Point de vue de Mathilde Ollivier, Sénatrice représentant les Français établis hors de France, sur l’impact des grands événements sportifs et les défis écologiques auxquels ils font face. Elle aborde, pour le N°212 du magazine Français du monde, les enjeux des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et l’avenir du sport dans un monde en mutation climatique.
Euro de foot 2016, Coupe du Monde de rugby en 2022, Jeux Olympiques et Paralympiques 2024… Ces dernières années, la France est rythmée par les grands événements sportifs. Le sport a une place à part dans le cœur des Françaises et des Français. Symbole de solidarité, de convivialité et de cohésion nationale, ces rendez-vous sportifs sont devenus incontournables.
Le sport, du fait de ses valeurs, de ses figures et du retentissement de ses compétitions, reste profondément politique et diplomatique. Dans le passé, déjà, l’histoire nous l’a enseigné. Aujourd’hui encore, de la question de la trêve olympique, en passant par les nombreux défis sécuritaires et économiques, les Jeux Olympiques et Paralympiques font face aux enjeux de notre époque.
Le Sport face au défi climatique
Collectivement, il est temps de nous interroger sur l’avenir du sport dans un monde à +2, +3 ou même +4°. Quelle pratique de sports collectifs comme le foot et le rugby sous des températures extrêmes ? Quel avenir pour les sports de montagne face au réchauffement climatique ? Quelle utilisation de l’eau pour les terrains, piscines, retenues collinaires ?
Alors, une réflexion intellectuelle et politique est à mener sur le sujet du sport en transition. Les communes sont en première ligne dans cette transition nécessaire du monde sportif et de ses infrastructures. Les grands événements sportifs peuvent incarner ce basculement écologique du sport. C’était l’un des grands enjeux des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, et il est suffisamment rare de voir le sujet de l’écologie pris en compte dans le sport, pour le souligner et même nous en réjouir.
Mais les paroles ne doivent pas cacher les actes. Malheureusement, la communication des Jeux a montré toutes les limites, se heurtant à la réalité de l’organisation de l’événement. Une communication “verte”, qui n’a pas arrêté de faire machine arrière, d’un “événement à contribution positive pour le climat”, qui permettrait donc de capter davantage de gaz à effet de serre qu’il n’en émet ; à un objectif de neutralité carbone ; puis finalement, aujourd’hui, il ne s’agit plus que de réduire par deux les émissions de tonnes d’équivalent CO2 par rapport aux précédents Jeux. Ainsi, Paris 2024 s’est fixé un objectif de 1,5 millions de tonnes de CO2 à ne pas dépasser, en comparaison avec les Jeux à Londres et à Rio qui en moyenne ont émis 3,5 millions de tonnes.
Les émissions de gaz à effet de serre des Jeux Olympiques se distribuent en trois grandes catégories : les transports pour un tiers, les infrastructures pour un autre tiers, et le déroulement des jeux en eux-mêmes pour finir.
Face à ces enjeux, il est aujourd’hui indispensable de réinventer les grands événements sportifs dans un monde toujours plus inégalitaire et qui se réchauffe au fur et à mesure de notre inaction climatique. Il nous faut réinventer les méga-événements, de manière concertée, avec l’ensemble des acteurs.
Réinventer les grands événements sportifs
Que ce soit lors des Jeux Olympiques de Rio en 2016 pour lesquels le transport représentait 83 % des émissions totales, ou la Coupe du monde 2018 en Russie avec 74 % des émissions attribuées au transport… Les déplacements des spectateurs nécessitent d’être repensés : trajets en train, transports décarbonés vers les lieux de compétition pour les spectateurs comme les équipes. De même, les infrastructures sportives constituent l’un des enjeux majeurs. Pour ne pas répéter les erreurs du passé, entre villages d’athlètes laissés à l’abandon ou Éléphants blancs aux coûts d’entretien irraisonnés, ici aussi, penser les infrastructures sur l’existant et en anticipant l’héritage laissé est primordial.
Paris a tenté cette planification des Jeux Olympiques écologiques, mais il reste l’essentiel : la taille de ces évènements, promettant d’accueillir des milliers de spectateurs parcourant des centaines de kilomètres, dans des espaces contraints et mis en tension par cet accueil. Le basculement nécessaire des grands événements sportifs nécessitera du courage politique, de reconstruire un imaginaire différent : réduire la taille, avec moins de spectateurs et une participation plus locale, ne pas multiplier les villes d’accueil et prioriser la qualité à la quantité, renforcer la transparence dans les désignations, renforcer la démocratie locale dans les choix d’accueillir ou non les grands événements ou encore confier l’évaluation de la durabilité de l’événement à un organisme indépendant.
En somme, revenir sur la logique commerciale et économique des grands événements sportifs, afin de remettre au cœur du sport son caractère populaire et fédérateur.
Cet article est extrait du 212e numéro de Français du Monde : « Sport & Diplomatie », disponible gratuitement dans la rubrique « Magazine » du site Internet.