Malgré une séquence politique nationale marquée par l’incertitude, la 43ᵉ session de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) s’est ouverte lundi 13 octobre au Centre de conférences ministériel du Quai d’Orsay. Pendant cinq jours, les 90 conseillers élus des Français de l’étranger se réunissent pour débattre, proposer et tracer les priorités d’action pour les trois millions de compatriotes vivant hors du territoire national.
Un cadre institutionnel préservé malgré l’instabilité gouvernementale
L’ouverture de cette session revêt un caractère inédit : pour la première fois, c’est le secrétaire général adjoint du Quai d’Orsay, David Bertolotti, qui a présidé la cérémonie, en l’absence de la ministre déléguée aux Français de l’étranger, Éléonore Caroit, retenue par les formalités de passation de pouvoir. Cette situation illustre le principe fondamental de continuité de l’État républicain, particulièrement crucial dans la période d’incertitude que traverse notre pays.
La présidente de l’AFE, Hélène Degryse, a tenu à souligner cette réalité sans détour : « Nomination d’un gouvernement, démission du dit gouvernement le lendemain, retour du Premier ministre démissionnaire […] et hier soir tard, enfin, un gouvernement et une ministre déléguée. » Pour autant, elle a affirmé avec détermination que « ces circonstances exceptionnelles ne sauraient nous empêcher de travailler et d’avancer durant cette session. »
L’activation tardive mais bienvenue de l’article 12 de la loi du 22 juillet 2013
Point remarquable de cette ouverture : la référence explicite à l’article 12 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France. Pour mémoire, ce texte dispose que « l’Assemblée des Français de l’étranger peut être consultée par le gouvernement, par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat, sur la situation des Français établis hors de France, et sur toute question consulaire ou d’intérêt général.«
Il aura fallu plus d’une décennie pour que cette disposition soit pleinement activée, notamment dans le cadre des Assises de la protection sociale des Français de l’étranger. La présidente a interrogé : « Pourquoi ne pas activer cet article pour d’autres sujets qui intéressent au plus haut point nos compatriotes à l’étranger ? » Question légitime qui soulève l’enjeu de l’effectivité du droit de consultation de notre Assemblée.
Sécurité et modernisation : les priorités du Quai d’Orsay
Le secrétaire général adjoint a rappelé les trois axes prioritaires de l’action consulaire : la sécurité, la modernisation des services et le soutien aux compatriotes les plus défavorisés. Point notable : l’effort budgétaire de 11,5 millions d’euros consacré à la sécurisation des 612 établissements scolaires homologués au cours des trois dernières années, effort « notable dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons tous.«
La dématérialisation des démarches se poursuit avec des taux de satisfaction remarquables : 95% pour l’état civil électronique, 90% pour France Consulaire, et 75% d’utilisation du vote par internet lors des dernières élections législatives.
Les assises de la protection sociale : un exercice démocratique réussi
L’événement phare de cette session est sans conteste la tenue des assises de la protection sociale, couronnées par une conférence de consensus organisée la veille à l’Assemblée nationale. L’enjeu est désormais de transformer ces recommandations en normes juridiques effectives. La vigilance s’impose quant au suivi de ces travaux et à leur traduction législative ou réglementaire.
Fruit de six mois de concertation, ces travaux ont rassemblé plus de 11 000 contributions et débouché sur une série de recommandations concrètes, allant de la simplification des critères d’accès aux aides à la création d’une allocation “grand âge”, en passant par la révision des procédures d’évacuation médicale et le renforcement des dispositifs d’aide juridictionnelle.
Des propositions pour l’école et la solidarité
Les discussions sur la scolarité des enfants à l’étranger et l’accompagnement des élèves en situation de handicap ont également occupé une place centrale. Les élus ont formulé une série de recommandations visant à améliorer le fonctionnement de SCOLAIDE, à simplifier les démarches pour les familles et à renforcer la formation des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Parmi les priorités retenues : la désignation d’un référent handicap par établissement, l’allongement de la durée de validité des décisions de la MDPH, et la revalorisation des critères financiers d’attribution des aides.
Un programme dense au service des Français de l’étranger
Outre les questions sociales, la session aborde des thématiques variées :
-
-
L’audition de Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes ;
-
Une conférence sur les évolutions climatiques animée par Valérie Masson-Delmotte (CEA) ;
-
Une table ronde sur l’intelligence artificielle, réunissant experts et chercheurs ;
-
Et la remise du 3ᵉ Prix du développement durable au Quai d’Orsay.
-
Les commissions thématiques poursuivent leurs travaux sur la sécurité, l’emploi, l’enseignement, la francophonie, la lutte contre le harcèlement et les violences intrafamiliales. Une projection spéciale, intitulée « Agir ensemble pour protéger les victimes de violences intrafamiliales à l’étranger », clôturera la session avant la séance de questions orales et les motions d’urgence du vendredi.
Transformer les paroles en actes
La clôture de la session, prévue le 17 octobre 2025, marquera la fin d’une semaine dense en échanges et en engagement collectif. Les propositions issues des commissions seront intégrées à l’ordre du jour de la prochaine session, fixée au 2 mars 2026. Dans un contexte politique tendu, cette 43ᵉ session aura démontré une fois de plus la solidité de la représentation des Français de l’étranger et la volonté partagée de leurs élus de transformer le dialogue en décisions concrètes.


