Aquarius – Kleber Mendonça Filho
Editions Blaq Out
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Aussi absurde que cette question puisse paraître, pensez-vous qu’une femme seule doit sa survie au bon vouloir des hommes ?
C’est pourtant la principale question autour de laquelle est construit le film Aquarius.
Lorsque ce film commence, nous découvrons Clara en 1979. Elle a les cheveux courts et elle sort d’un long combat contre le cancer. Cette coupe masculine fait sensation autour d’elle mais elle affronte les regards. Le décor est planté, Clara est une battante.
Les scènes du début passent rapidement et nous retrouvons Clara de nos jours. Femme plantureuse à la chevelure longue et noir de jais. Petit à petit, nous apprenons à la connaître.
La vie de cette femme est centrée sur la musique. Tout le reste est secondaire. Elle a perdu son mari très tôt. Elle a suivi ses choix sans ambages. Ayant délaissé ses enfants et sa famille par le passé en raison de sa passion, elle est aujourd’hui prête à se battre pour continuer à vivre comme bon lui semblera.
Vivre librement sa vie, sans peur du « qu’en dira-t-on » lorsqu’on est une femme peut paraitre banale dans notre société européenne, mais il ne faut pas oublier que le film se passe au Brésil et que le machisme, quasi endémique, y est très puissant. Aujourd’hui, les mentalités sont pétries de l’idée quasi dogmatique que les hommes doivent diriger la société et que les femmes n’ont pas leur mot à dire. Clara paraît donc aux yeux de ses contemporains comme une personne atypique.
Les hommes qu’elle va rencontrer durant les 2h de film sont les représentants de la gente masculine brésilienne de notre époque. Loin de la caricature facile, tous les travers caractéristiques de leur machisme sont abordés. Veulerie, couardise, défaitisme, corruption, mépris, prétention, rien n’est oublié ni aucune génération. Des hommes les plus jeunes au plus vieux, des plus naïfs aux plus méprisants.
Aujourd’hui, au « Pays du Carnaval », être une femme d’un certain âge, veuve et déterminée, peut être une entrave à la sérénité. C’est en tout cas un handicap lorsque l’on veut se battre pour survivre.
Confrontée à cette société rétrograde, Clara va imposer sa liberté de choix avec calme, élégance et beaucoup de courage. C’est seule, qu’elle va se battre contre l’entreprise immobilière qui veut détruire l’immeuble dans lequel elle vit depuis 40 ans. Aucun homme de son entourage ne la soutiendra dans cette épreuve.
Mais la linéarité de ce film est trompeuse et ce n’est qu’en apparence qu’il est calme. De cette chronique familiale, Kleber Mendonça Filho a su faire un réquisitoire contre une société machiste, affairiste et sans scrupules. Le cinéma brésilien, très longtemps plongé dans un sommeil profond, a des choses à dire et les thèmes abordés dans Aquarius sont nombreux. Le mépris des femmes et le pillage du pays par toute une frange de la population en font partie. Ces deux thèmes sont ici intimement liés, comme pour souligner que la violence faite aux femmes n’est pas très loin de celle faite à la terre.
Arnaud Alcée