Jean-Yves Leconte, sénateur représentant les Français établis hors de France, membre de la commission des lois et de la commission des affaires européennes du Sénat et chef de file désigné par le groupe socialiste sur la loi portant réforme du droit d’asile, revient sur cette loi entrée en application depuis juillet 2015.
En juillet 2015, la loi portant réforme du droit d’asile est entrée en vigueur. Quels sont les changements majeurs opérés par cette loi ?
Cette réforme était nécessaire. Elle permet de traiter plus rapidement les demandes et nous met en conformité avec les directives communautaires. Ses principes se déclinent ainsi : plus de droits octroyés aux demandeurs, des procédures plus efficaces, une diminution des délais de réponse de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), et l’accroissement de la capacité d’intégration des personnes obtenant une protection. Les améliorations des garanties offertes aux demandeurs d’asile consistent en un enregistrement plus rapide de leur demande, la présence d’un tiers (avocat ou membre d’association) lors de l’entretien avec l’officier de protection, une meilleure prise en compte des vulnérabilités, et une généralisation de l’effet suspensif des recours contre les décisions de refus. La réforme s’accompagne d’une augmentation du nombre de places d’hébergement en CADA (Centre d’accueil de demandeurs d’asile), et d’un effort en personnels pour traiter les demandes, avec un objectif de trois mois maximum à l’OFPRA contre plus d’une année en moyenne aujourd’hui.
Cette réforme vous semble-t-elle suffisante quant aux droits des demandeurs d’asile ?
Pas tout à fait. Je regrette, en particulier, que mes amendements relatifs à la mise en place d’un droit effectif au travail pour les demandeurs d’asile qui n’auraient toujours pas obtenu de réponse dans un délai de 6 mois, n’aient pas été retenus. En l’état actuel du texte, et contrairement à ce qui est indiqué dans la directive, ils n’ont pas le droit de travailler, mais seulement celui de déposer un dossier auprès de la DIRECCT afin de solliciter une autorisation de travail. C’est anormal que l’on empêche quelqu’un de travailler s’il trouve un emploi, quand il a été impossible de répondre à sa demande dans les 6 mois.
Au regard du contexte international et des réalités de l’actualité, quelles solutions à moyen terme vous semblent envisageables ?
La situation migratoire en Europe souligne la nécessité de travailler ensemble au sein de la zone Schengen, de l’Union Européenne, mais aussi sur l’ensemble du continent. C’est un impératif humanitaire et sécuritaire. Il est illogique que des pays européens réalisent plusieurs fois, et mal, le même travail, alors qu’il faudrait que des enregistrements soient correctement faits avant la sortie de Grèce. Le principe dit « Dublin », qui instaure la responsabilité de l’Etat sur le sol duquel l’étranger est entré, doit être remplacé par une surveillance commune des frontières et une répartition des demandeurs dans l’Union européenne, à minima dans l’espace Schengen. Ceci impose une convergence de nos critères d’octroi de l’asile et de nos conditions d’accueil. Ce qui se passe actuellement dans les Balkans, sans accompagnement cohérent des exilés, des migrants, d’un pays à l’autre, est humainement inacceptable. Consolider l’espace Schengen, c’est aussi instituer un contrôle systématique biométrique à son entrée et à sa sortie, afin qu’il soit plus sûr, et éviter ainsi la multiplication des contrôles internes que l’on constate depuis quelques mois.
Cet article est extrait du dernier numéro de Français du monde-adfe que pouvez consulter gratuitement en ligne.