« N’oubliez pas qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
– Simone de Beauvoir
Un rapport très récent, intitulé « Droits des femmes : combattre le backlash » – Recommandations pour la politique étrangère de la France – réalisé conjointement par la Fondation Jean Jaurès et l’ONG Equipop fait le constat d’un recul des droits des femmes sur la base de cas d’étude menés sur 12 pays.
Mais qu’est-ce que le « backlash » ? Ce terme qui se traduit en français par « contrecoup », voire « retour de manivelle ou de bâton » mais qui s’est imposé dans la sphère anglophone pour désigner tout particulièrement les violentes réactions de la société conservatrice face au progrès des droits des minorités, et en particulier ceux des femmes, a fait une apparition remarquée dans les médias français mi-2022 lors de l’annulation par la Cour suprême américaine de l’arrêt Roe vs Wade, qui était jusqu’alors le garant du droit à l’avortement.
Le titre du rapport est donc éloquent, c’est de régression ou de risques de régression qu’il s’agit et de ce consternant mouvement de balancier, ponctué d’avancées et de reculs, qu’est l’histoire des droits des femmes. Un phénomène d’ailleurs admirablement bien dépeint, qui plus est avec beaucoup d’humour, par Titiou Lecoq dans son ouvrage, paru en 2021, « Les grandes oubliées. Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes ».
Partant du postulat réaliste selon lequel « Aucun État n’est à l’abri d’un revirement conservateur » et de la constatation que « les droits des femmes et l’égalité de genre sont des enjeux autour desquels les équilibres entre États se composent et se décomposent », les autrices du rapport soulignent très justement que « les droits des femmes ne sont pas des enjeux secondaires ni thématiques, mais des enjeux éminemment politiques. »
À travers différents exemples de pays (Afghanistan, Brésil, Corée du Sud, États-Unis, Hongrie, Italie, Pologne, Russie, Sénégal, Suède, Tunisie et Turquie), elles dressent un panorama non-exhaustif de régressions des droits des femmes dans le monde ou de « permanence » du combat. Quel que soit le contexte, la dynamique de « backlash » est omniprésente et menaçante. Ainsi de la Suède, souvent érigée en modèle en matière d’égalité de genre, qui a récemment connu un violent revers du fait de l’abandon, par son nouveau gouvernement de droite soutenu par l’extrême droite, de la diplomatie féministe, dont elle était une pionnière depuis 2014.
Décryptages
Partant du principe que pour mieux les combattre, il est important de décrypter les mouvements anti-droits, le rapport met en lumière à la fois l’hétérogénéité de ces mouvements et leur parfaite intégration dans un réseau mondialisé, complexe et organisé dont l’objectif principal est de réduire l’autonomie des femmes et leur capacité à disposer librement de leur propre corps. De plus, l’opacité de leur financement ne saurait masquer une dure réalité, ces mouvements d’envergure internationale auraient levé, entre 2009 et 2018, des milliards d’euros d’origine variée, tant privée que publique et leur « stratégie va même au-delà des frontières des États et se retrouve jusque dans les institutions de l’Union européenne, via la création du Mouvement politique chrétien européen (ECPM), qui compte aujourd’hui 5 députés européens. »
Autre décryptage, plus optimiste celui-là, « L’activisme féministe fonctionne ». Les associations féministes sont perçues par les autrices du rapport comme le meilleur rempart pour résister au backlash et faire avancer l’égalité.
Face à ce front de menace déployé à l’échelle internationale, les États qui, comme la France, revendiquent une « diplomatie féministe » ou une « politique étrangère féministe » ont une partition cruciale à jouer et les autrices du rapport leur proposent donc d’activer trois leviers jugés prioritaires :
- Accroître le financement des associations et mouvements féministes
- Défendre et protéger les activistes et réseaux féministes
- Faire des luttes féministes un sujet de diplomatie prioritaire en Europe et dans le monde
Chacun de ces leviers faisant l’objet d’une énumération détaillée et étayée des mesures préconisées.
Avec la constitutionnalisation du droit à l’IVG, la France pourrait s’imposer à l’international en tant que chef de file d’une telle diplomatie féministe et ne pas rater le train de l’histoire. Mais quoi qu’il en soit, le maître mot est et doit rester… VIGILANCE !