Les Mapuches (« peuples de la terre ») forment un peuple indien d’environ 1,5 million d’individus, installés pour l’essentiel dans la partie centrale du Chili. Ils sont également présents dans la Pampa argentine, où ils ont pénétré dans les temps modernes en franchissant la cordillère des Andes. Habitants originels du Chili, les Mapuches ont résisté victorieusement aux tentatives d’expansion vers le sud de l’empire Inca, et se sont ensuite longuement battus contre les envahisseurs espagnols. L’un de leurs jeunes chefs, Lautaro, élevé en milieu espagnol, prend la tête de leur résistance, familiarise ses troupes avec la tactique des Conquistadors, notamment avec l’usage de la cavalerie, et inflige aux Espagnols plusieurs cuisantes défaites, dont l’une voit périr Pedro de Valdivia, le conquérant du Chili. Lautaro meurt lui-même au combat trois années plus tard. Mais pendant trois siècles, les Européens ne se risquent guère à pousser leur avantage et de vastes territoires au sud de la capitale Santiago, groupés sous le nom d’Araucanie, restent hors du contrôle du gouvernement central. Un aventurier français, Antoine de Tounens, tente même d’y fonder en 1860 un royaume indépendant. Entre temps la colonisation se développe, notamment avec l’installation systématique dans la région d’immigrants allemands. Face à la résistance des Mapuches, l’armée chilienne mène plusieurs campagnes de « pacification ». Il lui faut près de 20 ans d’efforts pour que les territoires mapuches passent définitivement, en 1883, sous contrôle de l’État chilien. Il en est à peu près de même, et à même époque, de l’autre côté des Andes, avec la politique argentine de « conquête du désert ».
Depuis, les Mapuches se sont majoritairement fondus dans la population chilienne, y compris dans la population urbaine, lui donnant son aspect en grande partie métissé. Mais dans leurs régions d’origine, les Mapuches, restés agriculteurs, et souvent regroupés en communautés, gardent le souvenir des persécutions subies. Ils s’efforcent aussi de protéger leur langue, le mapudungun (« langue de la terre »), encore parlée en différents dialectes par quelques centaines de milliers de locuteurs. Au début des années 1970, à l’occasion de la réforme agraire lancée par l’Unité populaire, ils tentent de récupérer une partie de leurs terres. En réaction à ce mouvement, le régime du général Pinochet mène une politique de démantèlement des terres communautaires et de distribution de titres de propriété individuels. Le retour de la démocratie conduit en revanche à la promulgation en 1993 d’une « loi indigène », reconnaissant l’existence de propriétés collectives et mettant en place une Corporation nationale de développement indigène. Ces nouvelles dispositions n’éteignent toutefois pas les tensions entre les communautés mapuches et leur environnement. On a pu le voir à l’occasion de la construction sur des terres mapuches, dans de hautes vallées des Andes, de deux centrales hydro-électriques au tournant des années 2000, ou encore dans les conflits générés par l’exploitation forestière intensive de leurs zones d’habitat.
Précédentes chroniques “minorités du monde” :
Les Parsis en Inde
Les Roms
Les Kurdes Yézidis
Les Rohingyas du Myanmar
Les Indiens d’Amazonie
Les Gagaouzes de Moldavie
Les Tatars de Crimée