La présidente de Français du monde-adfe, Monique Cerisier ben Guiga, s’est vu remettre les insignes de la Légion d’Honneur le 19 octobre par la sénatrice Catherine Tasca. Entourée de ses proches, de diplomates et de militants de l’association qu’elle préside, Monique Cerisier ben Guiga a reçu avec une grande émotion cette distinction de la République qui vient récompenser un engagement sans faille au service de nos compatriotes à l’étranger. Toute l’équipe et tous les militants de Français du monde-adfe adressent à leur présidente leurs plus chaleureuses félicitations.
Extrait du discours prononcé par Monqiue Cerisier ben Guiga :
« J’ai tenu à ce que cette soirée soit placée sous le patronage de Français du monde-adfe dont j’assure la présidence ces années-ci.
Sans cette association, nous ne serions pas tous réunis ce soir et je serais probablement en train de cultiver mon jardin de Grombalia, suivant l’exemple de Candide au bord du Bosphore.
Le destin en a voulu autrement.
Dès sa création, Français du monde-adfe a joué pour moi un rôle clé en me rendant la dimension citoyenne de ma vie et en me conduisant à m’engager en politique.
En 1980, j’étais une Française à la fois fidèle à mes racines sarthoises et intégrée dans une famille tunisienne qui m’avait adoptée. J’avais trouvé, en Tunisie, ma place de mère de famille, d’épouse d’un médecin qui serait fier ce soir, de professeur, dans une grosse bourgade rurale où, mon mari et moi, avions le sentiment de participer au développement du pays.
Les Tunisiens me percevaient surtout comme Française. Les Français m’assimilaient aux Tunisiens. C’était une contradiction inconfortable mais stimulante, inhérente à l’expatriation.
Toutefois, je vivais mal le fait que le despotisme bourguibien, tout éclairé qu’il fût, se conjuguât à mon état d’expatriée pour me priver de vie civique. Je votais en France par procuration.
Merci à Alain Attali d’avoir si souvent mis mon bulletin dans l’urne. Mais je n’avais aucune prise sur les deux sociétés qui déterminaient ma vie et celle de mes proches, celle de mes enfants en particulier.
J’étais même réduite, socialement, à ce bizarre statut « d’épouse » dans lequel la communauté française de l’époque cantonnait un grand millier de françaises mariées à des tunisiens. Est-il besoin de préciser qu’il n’y avait pas de catégorie « d’époux de tunisiennes » et donc d’insister sur le caractère sexiste et raciste de cette assignation. Cela me révoltait dans mon féminisme et mon attachement à l’égalité républicaine.
Grâce à l’adfe, devenue « Français du monde », j’ai pu, moi qui suis plus douée pour l’action que pour la pure activité intellectuelle, mettre mes capacités au service d’une action sociale que je considère comme profondément politique.
Faire pour faire des Français de Tunisie des Français à part entière, c’était un bel objectif.
– enfants à scolariser grâce à des bourses sur critères sociaux, qui garantissaient le bon usage des deniers publics,
– aide sociale consulaire à répartir dans la transparence,
– femmes à réinsérer dans l’activité grâce au recyclage professionnel,
– combat contre l’application d’une convention, tombée en désuétude, mais utilisée pour priver de leur nationalité française des compatriotes auxquelles on retirait leur carte d’identité au consulat, en 1987, 88, quand on ne la déchirait pas d’un grand geste punitif.
– soutien aux vieux Français que le retrait de la France avait laissés, comme la marée descendante, sur le sable de la grève, isolés, sans ressources suffisantes, menacés de la spoliation de leur modeste logement et d’une fin de vie à la maison de retraite de Radès, un mouroir sordide à l’époque.
Ma dette envers Français du monde-adfe est grande et c’est à elle, tout autant, si ce n’est plus, qu’au Parti socialiste que je dois mon passage en politique et mon élection au Sénat […] ».
Vous pouvez télécharger ici le discours intégral.
Crédit photo : Alain Fontaine.