« Mais, ce n’est pas juste » a été la réponse de beaucoup d’entre celles et ceux qui ont vu ou entendu les publicités appelant le public à réserver leurs billets pour les Paralympiques, très peu courus malgré des prix nettement moindres. Parce que, aussi ignoble que cela puisse paraitre, des billets pour une finale paralympique peuvent valoir moins cher que des billets pour une éliminatoire olympique. Une discrimination qui fait mal lorsque l’on pense aux montagnes que ces sportifs ont dû gravir pour en arriver là, mais aussi tout simplement lorsque l’on voit les performances extraordinaires qu’ils et elles alignent.
Il reste donc beaucoup à faire
Mais déjà les athlètes paralympiques ont toutes et tous remporté une victoire : en montrant qu’ils et elles peuvent. Que ce qu’ils et elles peuvent est bien plus important que ce qu’ils ou elles ne peuvent pas ou peuvent autrement. Pour en arriver là, il a fallu parcourir un long chemin, semé d’autant d’embuches que les trottoirs et transports des villes pour les personnes à mobilité réduite.
Un peu d’histoire
C’est un neurologue de l’hôpital britannique de Stoke Mandeville, Ludwig Guttmann, juif allemand réfugié du nazisme, spécialisé dans le traitement des blessés de la moelle épinière qui mit au point une thérapie basée sur le sport : tennis de table, billard, basket-ball, ou encore tir à l’arc. S’agissant de patients souvent jeunes, le sport jouait un rôle essentiel dans leur rééducation physique mais aussi psychologique et sociale de ses patients. Les jeux olympiques se tenant à Londres en 1948 il eut l’idée d’organiser, la veille de leur ouverture, les premiers « Jeux mondiaux des chaises-roulantes et des amputés » (« World Wheelchair and Amputee Games ») sur le terrain de l’hôpital. Deux disciplines y étaient pratiquées : tir à l’arc et basket, les participants étant des anciens combattants. Très rapidement, les « Jeux de Stoke-Mandeville » s’internationalisent avec en 1952, 130 compétiteurs internationaux qui s’y affrontent. De pratiques thérapeutiques qu’ils étaient à leur création, ils obtiennent un véritable statut de à compétition sportive pour handicapés lorsqu’en 1956 le Comté International Olympique leur accorde le statut de Jeux Olympiques. Organisés à Rome en 1960, huit jours après les Jeux Olympiques ils prennent alors le nom de « Jeux Paralympiques » (« para » car organisés en parallèle des JO) : 400 compétiteurs de 23 pays s’y affrontent dans 8 disciplines. Ils entrent alors à part entière dans l’olympisme.
Un regard sur le handicap qui évolue mais reste empreint de stéréotypes
Selon une enquête de l’IFOP (1) réalisée en partenariat avec l’APF France handicap d’un échantillon de 1002 personnes, représentatif de la population française, les Français ont encore une connaissance limitée du handicap qu’ils associent avant tout au handicap moteur. Afin d’appréhender les représentations des Français à l’égard du handicap, les enquêteurs leur ont demandé de citer les mots qu’ils associaient à cette notion : le handicap est majoritairement dominé par des représentations négatives et liées à l’univers de la difficulté. Le handicap est également associé aux problèmes de motricité avec des termes comme mobilité (9%) ou encore fauteuil roulant (9%). Signe d’une méconnaissance de la diversité des handicaps, les Français indiquent que lorsqu’ils pensent à une personne en situation de handicap, ils pensent à une personne en fauteuil roulant (72%), loin devant une personne avec un handicap mental (12%), visuel (8%) ou auditif (2%). Les jeunes générations semblent cependant avoir une meilleure connaissance de la diversité du handicap : « seulement » 63% des moins de 25 ans citent le handicap moteur contre 77% des 65 ans et plus. Dans la mesure où ils associent très largement le handicap aux problèmes de motricité, les difficultés perçues comme rencontrées par les personnes sont d’abord les problèmes d’accessibilité physique (65%) ; à l’inverse, certains problèmes tels que l’accessibilité numérique sont beaucoup moins évoquées (13%), alors qu’ils jouent un rôle essentiel dans l’isolement de certaines catégories de personnes handicapées. D’une manière générale, les Français estiment majoritairement que la société française ne s’adapte pas suffisamment aux besoins des personnes concernées (74%), une opinion avancée par 85% des personnes handicapées elles mêmes (85%). Plus globalement, 62% des Français estiment que la société traite négativement les personnes en situation de handicap, notamment avec injustice (18%), avec pitié (16%), avec mépris (11%), avec indignité (6%), avec indécence (6%) ou avec dureté (5%). Relevons néanmoins que 22% des Français estiment que les personnes handicapées sont traitées avec bienveillance.
(1) – L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 10 au 16 novembre 2023.
De fait, les Jeux Paralympiques sont perçus comme un espoir de meilleure exposition des personnes porteuses de handicap et donc de changement du regard sur le handicap
Près des ¾ des Français estiment que le handicap n’est pas suffisamment représenté aujourd’hui à la télévision (72% dont 18% « pas du tout »). Si, dans les faits 75% des personnes ayant répondu indiquent avoir vu une personne handicapée dans au moins un programme à la télévision, c’est un contenu lié au parasport qui est cité en premier (46%), suivi par une fiction (31%), un documentaire (23%), au journal télévisé (21%), une émission de divertissement (18%) ou un autre programme (5%). La Dossier Sport Et s’adapte pas avec promotion des jeux olympiques et paralympiques est passée par là. Or, les Français sont convaincus que la télévision peut faire changer le regard sur le handicap (79%), notamment par la médiatisation du parasport. Selon les répondants, les jeux paralympiques permettent de donner une image plus positive des personnes en situation de handicap (96% dont 52% « tout à fait d’accord »), de remettre en cause les stéréotypes associés aux personnes handicapées (86%) ou encore de pousser les personnes handicapées à pratiquer un sport (92%). Ils regrettent cependant que les jeux paralympiques soient relégués à un statut d’infériorité par rapport aux jeux olympiques. Conséquence positive, 43% de ceux qui envisagent de regarder la compétition à la télévision expliquent vouloir le faire par conviction, parce qu’ils pensent que ces jeux sont représentés médiatiquement et méritent plus d’attention. L’espoir est donc grand que d’une édition à l’autre, les sportifs paralympiques permettent de changer le regard de la société sur le handicap, de le normaliser tout en favorisant une meilleure prise en compte des besoins des personnes porteuses de hanicap. sur ce plan-là aussi, les Paralympiques font bouger les choses.
Des recherches qui font avancer la prise en charge des handicaps
La pratique du sport paralympique de haut niveau permet de réaliser des progrès majeurs pour l’ensemble des personnes atteintes de handicap. Ainsi, initialement créés pour les parathlètes amputés de haut niveau, les manchons siliconés, conçus pour gagner du confort au niveau de l’emboîture et limiter les pertes de prothèse, sont désormais prescrits par la Sécurité sociale pour toute personne amputée. Or, les douleurs ou difficultés d’adaptation au niveau de la zone d’assemblage entre la prothèse et leur membre résiduel amenaient de nombreuses personnes à porter une prothèse malgré le bénéficie fonctionnel qu’ils ou elles auraient pu en tIrer en raison de difficultés d’adaptation et de douleurs ». De même, alors que treize des vingt-deux disciplines paralympiques représentant 86 % des épreuves au programme des Jeux de 2024 se pratiquent en fauteuil roulant, l’amélioration du matériel faisait partie des priorités du consortium français, Paraperf. Un de ses membres, Arnaud Hays a ainsi développé quatre innovations pour les sports en parafauteuil : un dérapomètre, qui améliore l’adhérence des pneus au sol, des capteurs de puissance dans les roues, pour mieux suivre l’athlète, une veste, qui facilite la régulation de la température des athlètes tétraplégiques, ou encore un ergomètre, qui mesure la puissance des bras. Autant d’avancées qui serviront à l’ensemble des personnes en fauteuil.
Cet article est extrait du 212e numéro de Français du Monde : « Sport & Diplomatie », disponible gratuitement dans la rubrique « Magazine » du site Internet.