Lors de la 33ème session de l’AFE qui s’est déroulée la semaine du 05 au 09 octobre dernier, il a été question, au sein de la Commission des finances, de l’imposition sur la nationalité et du budget dans le contexte de la crise liée à la pandémie.
On parle souvent de fiscalité des Français de l’étranger, à tort. Il s’agit en réalité de la fiscalité des “non-résidents”, qui ne prend pas en compte, sauf pour certains recrutés locaux (ou ADL), du critère de la nationalité. Les travaux sur l’imposition sur la nationalité, menés par les députés Coquerel (France Insoumise) et Mattei (Modem), audités en 2019 par la Commission des finances, du budget et de la fiscalité, que je préside, n’ont pas été suivis de propositions législatives.
La fiscalité des non-résidents est extrêmement sophistiquée. Elle est façonnée tout d’abord par plus d’une centaine de conventions fiscales bilatérales, qui déterminent le lieu d’imposition. Pour celles et ceux qui paient leurs impôts en France, la complexité est plus grande encore : tantôt soumis au régime de la retenue à la source, tantôt soumis au régime du taux minimum (20% dès le premier euro), ou par dérogation, au taux moyen (progressif). Le gouvernement Philippe a réussi, fin 2018, à relever le défi d’y ajouter encore plus de complexité, par une réforme inique qui parvenait à conjuguer les différents régimes (retenue à la source, taux moyen), résultant de hausses d’impôt potentiellement très élevées. Malgré l’opacité d’un amendement gouvernemental devenu célèbre, qui résultait du fameux rapport de la députée Genetet, des élus et collectifs citoyens se sont mobilisés et ont alerté, notamment à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) et au Sénat. Un rapport du gouvernement sur la réforme fiscale devait être publié au lendemain des élections consulaires. Il ne l’est toujours pas, bien qu’une version préliminaire ait été « fuitée » cet été. Le Ministre Dussopt est venu nous annoncer en personne la semaine dernière, à l’AFE, qu’il revient sur la suppression du caractère partiellement libératoire de la retenue à la source, principal problème de la réforme. La boucle est bouclée : c’est la députée Genetet qui porte aujourd’hui l’amendement qui supprime la réforme qu’elle avait impulsée. Cette réforme nous aura détournés, pendant deux ans, des injustices profondes qui demeurent en matière fiscale pour les non-résidents : difficulté d’accès au taux moyen, CSG CRDS, exclusion des crédits et déductions d’impôt, etc.
♦ Un budget qui ne prend pas en compte les effets de la crise mondiale
L’AFE a pu cette année encore scruter en avant-première l’action extérieure de la France dans le projet de Loi de finance 2021 (PLF 2021), mais également l’utilisation des crédits débloqués dans le cadre de la crise de la Covid-19 au titre du programme 151 qui couvre les services publics consulaires, l’aide sociale et les bourses scolaires. De fait, l’assouplissement trop tardif de critères d’accès trop restrictifs aux “secours occasionnels” liés à la crise de la Covid-19, combiné à la faiblesse des montants, déconnectés des besoins réels, a mené à la sous-utilisation de l’enveloppe : seulement 1 million sur les 50 millions de crédits « annoncés » ont été dépensés, alors que nous connaissons tous, en tant qu’élus et militants associatifs, des Français en grave difficulté. Il est regrettable que l’aide sociale promise ne leur parvienne pas.
Concernant le projet de budget 2021, de fait, le report des enveloppes non utilisées en 2020 sur 2021, évoqué par le secrétaire d’État aux Français de l’étranger, Jean-Baptiste Lemoyne, serait contraire à la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sauf dérogation par amendement gouvernemental – une option qui ne semble pour l’instant pas envisagée par le Ministre Dussopt, qui n’a évoqué avec nous que l’option d’une révision de la loi de finance au cours de l’année 2021. Alors que la nécessité de besoins supplémentaires sur l’aide sociale et les bourses est donc reconnue par tous, l’absence totale de prévision budgétaire liée à la crise Covid en 2020 demeure inquiétante. La légère hausse de l’aide sociale sera prise sur les services publics consulaires : l’augmentation de 17% du budget des affaires sociales dans le cadre du PLF 2021 par rapport à la Loi de Finances Initiale (LFI) 2020, implique une baisse de 13% du budget du service public consulaire.
♦ L’AFE a regretté l’absence de véritable programmation pluriannuelle stratégique de la diplomatie culturelle et d’influence cette année encore. J’ai rappelé au Ministre la pétition “Sauvons les Alliances françaises” que nous avions lancée cet été et qui avait recueilli plus de 10 000 signatures. Elles auront souffert cette année de la suppression des fonds du STAFE, dont nous avons demandé un élargissement en 2020 du champ d’application aux dépenses de fonctionnement pour les Instituts et les Alliances françaises.
♦ Enfin, une bonne nouvelle pour les réseaux consulaires et diplomatiques à l’étranger : les effectifs du Ministère se trouvent stabilisés en 2021, avec 13 563 emplois, pour la première fois depuis l’an 2000. Le Ministère reconnaît même que “la contribution du ministère à la mobilisation du pays pour faire face à la crise sanitaire, notamment dans sa dimension internationale, a mis en évidence les risques associés à la poursuite d’une diminution de ses effectifs”. Malheureusement, le gouvernement n’est pas encore revenu sur les objectifs de réduction de 10% de la masse salariale et de suppression de 416 emplois d’ici la fin du quinquennat. Si ces derniers sont maintenus, avec 130 supprimés en 2019 et 80 en 2020, cela impliquerait un choc de 206 emplois en 2022. Des prévisions inquiétantes pour l’avenir du réseau consulaire et diplomatique à l’étranger.
Cécilia Gondard,
conseillère à l’Assemblée des Français de l’étranger