En ces temps difficiles, allez, n’hésitons pas, agissons !
Nous venons de fêter le 14 juillet. Ce « nous » recouvre les Françaises et les Français, mais aussi toutes celles et ceux d’ailleurs qui, pour une raison ou pour une autre, se sentent identifiés par la célébration de la prise de la Bastille. Mais revenons à ce « nous ». En écrivant ces lignes, ce « nous », c’est pour moi la communauté des Françaises et des Français qui vivent au Chili. C’est ma communauté depuis plus de 16 ans. Et en ces temps difficiles pour beaucoup, au Chili et ailleurs, cette célébration a un autre goût pour moi et peut-être pour vous… Et je ne sais pas pourquoi, mais ce matin, en me levant, une question s’est imposée à moi et m’a suivie et poursuivie tout au long de la journée : suis-je fière d’être Française ?
Je crois qu’en 40 ans, je ne m’étais jamais posé la question. Et je me suis dit que ce 14 juillet avait résonné en moi de manière différente… et que derrière cette question, qui semble pourtant anodine, il y avait quelque chose… Eh bien, en ces quelques lignes, laissez-moi partager avec vous comment j’ai démêlé ce « quelque chose » au court de ma journée.
Suis-je fière d’être française ?
Pourquoi serai-je fière de quelque chose (ma nationalité) qui est le produit d’un simple hasard de la vie. J’aurais pu naître dans les bidonvilles de Dakar, j’aurais pu naître dans une case d’Ouvéa en Nouvelle Calédonie ou même sur un bateau de migrants s’échappant de la misère en direction de l’Europe. Eh bien non, je suis née un jeudi matin en France de parents Français, une coïncidence, un pur hasard… Les années passant, j’ai bien compris que cela avait été une chance d’être née là où j’étais née.
Suis-je fière d’être française ?
Non, je ne suis pas fière d’être Française, car ce n’est pas le produit de mes actions. Mais détrompez-vous, pas fière mais extrêmement heureuse d’être Française, d’avoir été éduquée en France et d’avoir ce lien indestructible avec mon pays. Fêter le 14 juillet depuis le Chili, c’est aussi pour moi une manière de diminuer la distance avec mon pays d’origine et mes proches. Mais c’est aussi l’occasion de me demander ce qui signifie d’être Française résidante au Chili. Et à ce moment-là, revient à moi le sujet de la fierté. Oui, je voudrais, un jour, être fière de ce que j’ai pu faire au Chili en tant que Française. Car finalement, pour les Chiliens et Chiliennes que j’ai rencontrés, je suis tout d’abord une femme étrangère, avec un accent un peu étrange… Ce sont souvent les autres qui me rappellent que je ne suis pas d’ici mais de là-bas. Je l’oublie quelques fois… Je ne suis pas totalement Française, je ne suis pas Chilienne, seulement une Française résidante au Chili…
Et le hasard a fait qu’aujourd’hui, à Santiago, mon travail consiste à promouvoir et protéger les droits des personnes étrangères, en particulier des personnes réfugiées au Chili. L’asile contre l’oppression, comme nous le rappelle l’hymne chilien. Mon travail consiste à apporter un petit quelque chose pour que le Chili soit et demeure une terre d’accueil pour celles et ceux qui fuient les guerres, la violence et les persécutions. Il y a quelques mois, le gouvernement chilien annonçait que presque 1,5 millions d’étrangers résidaient au Chili. Un nombre record avec pour la deuxième année consécutive la communauté vénézuélienne qui constitue la communauté étrangère la plus nombreuse. Le Chili est devenu en quelques années le troisième pays d’accueil des Vénézuéliens en Amérique du sud. Tous les jours, nous recevons des appels d’hommes et de femmes angoissés, certains désespérés, sans travail en raison des conséquences de la pandémie, sans denrées et certains menacés d’être jetés à la rue car il leur devient maintenant impossible de payer leur loyer…La pandémie nous touche toutes et tous mais pour certains, c’est plus difficile que pour d’’autres, et j’en fais le triste constat tous les jours.
Alors non je ne suis pas fière d’être Française, mais en tant que Française résidant au Chili, je ressens le besoin d’agir, pour ma communauté d’origine mais aussi d’agir pour le Chili. Soyons fiers de ce que nous pouvons faire pour les Chiliennes et les Chiliens qui nous entourent et pour ceux qui viennent d’ailleurs qui ont décidé, comme nous, de vivre ici. Nous sommes tous à notre niveau des mini « ambassadeurs et ambassadrices » de la France au Chili, que nous le voulions ou non. S’engager et agir peut se faire de multiples manières, c’est mon invitation pour ce 14 juillet. A faire sienne notre devise républicaine « Liberté, égalité et fraternité ».
15 juillet 2020, Santiago du Chili
Rébecca Steward, Français du monde-Adfe Chili