Le sort des enfants franco-japonais privés de liens avec leur parent français suite à un divorce ou une séparation a été l’objet d’une table ronde organisée par le sénateur Richard Yung le 8 mars dernier au Sénat. En cas de divorce au Japon, l’autorité parentale n’est confiée qu’à l’un des deux parents, et, selon les statistiques officielles, à la mère dans 80% des cas.
Ces enfants font régulièrement l’objet soit d’un enlèvement international, soit d’un déplacement illicite à l’intérieur du Japon. Dans les deux cas, ils ont subi un véritable traumatisme et se retrouvent privés d’une part essentielle de leur identité. Leur droit à avoir deux parents, deux familles, deux cultures, deux langues et deux pays est totalement bafoué.
Quant aux parents français, ils sont dans un désarroi absolu. Certains d’entre eux n’ont pas vu leur(s) enfant(s) depuis plusieurs années. On estime à 150.000 le nombre de mineurs concernés chaque année, les parents japonais étant les premiers touchés. En vue de faciliter la résolution des cas d’enlèvement international, le Japon a pourtant adhéré en 2014 à la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant…
Les parents français présents au sénat lors de cette table ronde déplorent par ailleurs un manque d’information et de soutien venant des institutions françaises, à commencer par les services consulaires au Japon qui ne renseignent pas les parents en procédure de divorce sur les dangers qui pèsent sur leurs enfants en cas de conflit parentaux.
« Quel est l’intérêt de donner la nationalité française à des enfants qui naissent à l’étranger pour qu’on nous rétorque ensuite que le Japon est souverain ? interpelle Vincent Fichot. Pourquoi aucune administration ne prend de position publique sur le sujet ? Avec le récent rappel de l’ambassadeur italien, elle a montré qu’elle en était capable. Pourquoi, quand cela concerne des droits bafoués de l’enfant, des mesures similaires ne peuvent-elles pas être prises ? «
Vincent Fichot est privé de ses enfants depuis huit mois maintenant. Rentrant un soir chez lui, il découvre l’appartement familial vidé, la mère et ses deux enfants ont disparu en l’espace d’une journée. Il remue ciel et terre auprès des autorités policières et judiciaires nippones, pour tenter de revoir ses enfants, démarches vaines encore aujourd’hui. Ce qui semble un cauchemar absolu est une pratique courante au Japon. « On ne peut rien faire (…) on peut bafouer la convention de La Haye en toute impunité », rappelle Paul-Georges Touja, président de l’association » Sauvons Nos Enfants.Japon ».
Fabrice Taurelle qui n’a pas serré sa fille dans ses bras depuis trois ans raconte son calvaire juridique, parsemé d’embûches, suite à son divorce. Privé de son autorité parentale au Japon, il doit en plus faire face à trois plaintes et deux procédures en France. » Cela fait 3 ans que je me bats. C’est énergivore. Ca tue. Pour certains au sens propre », rappelant le désespoir de ces pères, principaux concernés par ces enlèvements d’enfants, dont certains ont été jusqu’au suicide.
Richard Yung rappelle que le département d’État américain a, pour sa part, classé le Japon parmi les pays qui ne se conforment pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention de La Haye. La sénatrice Claudine Lepage évoque le cas des conflits parentaux entre France et Allemagne, rappelant que la mise en place d’un magistrat de liaison a été bénéfique. « Nous pouvons également former les magistrats français à cette problématique et avoir un magistrat de liaison français auprès des tribunaux japonais, comme nous l’avons fait en Allemagne, avec des résultats positifs, conclut Richard Yung. « Mais la solution reste diplomatique et notre gouvernement doit avoir le courage d’exposer le sujet à chaque visite ». Le sénateur a donc fait parvenir le 15 mars dernier les conclusions de la table ronde aux ministres français de la Justice et des Affaires étrangères.
Gaelle Barré
♦ richardyung.fr/activite-parlementaire/questions-sociales-senateur-yung/4744-enfants-franco-japonais-au-centre-d-un-conflit-parental-ou-en-est-on-cinq-ans-apres-la-ratification-de-la-convention-de-la-haye.html
♦ www.facebook.com/sauvonsnosenfants.japon
Témoignage de Paul-Georges Touja
Président de l’association » Sauvons Nos Enfants-Japon »
Pouvez-vous nous décrire les raisons de la création de l’association?
Nous, parents d’enfants franco-japonais, suite à une séparation conflictuelle ou suite à l’enlèvement de notre enfant par l’autre parent au Japon, avons tous été confrontés au refus de l’Ambassade de France à Tokyo de nous informer sur l’existence de personnes dans la même situation que nous…nous étions tous des cas isolés alors qu’en fait nous sommes environ une centaine de français à vivre cette tragédie, à savoir le knidapping de nos propres enfants sur le sol japonais. On nous donne une liste d’avocat en nous rétorquant que le Japon est souverain… Nous sommes entrés en contact avec d’autres parents via les forums internet, par le biais de parents américains mobilisés, nous avons donc créé l’association en 2018.
Quelles sont les revendications de l’association ?
La première revendication reste celle du devoir d’information par les autorités françaises. Les cas d’enlèvements survenant généralement avant un divorce, de manière brutale et organisée, il conviendrait d’informer les citoyens sur les risques existants au Japon, tout comme sur le site de l’Ambassade des USA au Japon, où il est clairement insérée une rubrique relative à « International Parental Child Abduction« . La seconde revendication c’est la reconnaissance du problème par les services du Ministère de la Justice en France et la prise en compte des risques pesant sur les enfants franco-japonais. En Italie par exemple, le Ministre de la Justice est actif sur ce point et est contact direct avec les pouvoirs politiques japonais par l’intermédiaire de leur Ministre de la famille.
Comment faire évoluer la situation et prévenir ces enlèvements?
Prévenir tout d’abord, en informant les parents afin d’éviter des cas futurs et les inciter à recourir à la justice française afin d’entamer une procédure de divorce. Les japonais sont les premières victimes et pourtant les médias japonais ne traitent pas le sujet. Un reportage d’Envoyé Spécial sur le sujet nous a permis d’avoir une visibilité importante. L’administration doit avoir les moyens d’agir rapidement, de sécuriser les passeports et de soutenir les parents…c’est en effet une course contre la montre. Pour les parents qui sont en France avec leurs enfants franco-japonais, obtenir plus facilement des interdictions permanentes de sortie du territoire de leurs enfants de la part des juges français. Il faut faire pression sur le gouvernement japonais; le gouvernement français avec la coopération des pays concernés doit faire pression sur le Japon! Nous avions à ce propos rédigé une lettre ouverte au Sommet G7 2018 – « G7 Kidnapped to Japan Reunification Project ».