Accueil 5 L'association 5 Allocution de la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger devant l’AFE (9 septembre 2013) ( Page )

« Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Conseillers,
Chers amis,

Je suis heureuse que le rythme de vos sessions annuelles me permette de nous retrouver et de m’exprimer devant vous. Ni Queen speech (!), ni discours sur l’Etat de l‘Union, mais le simple désir de répondre à vos interrogations et la volonté de vous présenter les projets que nous porterons ensemble demain. Cette 19ème session plénière de l’Assemblée des Français de l’étranger est aussi – comme les précédentes – un temps démocratique essentiel qui nourrit la pensée et l’action du gouvernement en direction des Français de l’étranger.

Je suis donc sincèrement heureuse d’ouvrir vos travaux et de m’exprimer, par votre intermédiaire, devant ces 2 millions et demi de nos compatriotes établis hors de France que vous représentez. Par delà la diversité de leurs trajectoires, ils participent en effet de la communauté nationale qu’il nous appartient de défendre et d’affirmer. Vous le savez mieux que d’autres.

Pierre Mauroy, pour lequel j’ai une pensée toute particulière en cet instant, avait pour habitude d’écrire que les discours doivent correspondre aux saisons. Celui que je vous présente aujourd’hui se différencie ainsi de celui que je vous avais présenté il y a un an alors que mon ministère venait d’être créé. Réforme de la scolarité, modernisation du réseau consulaire, réforme de la représentation des Français de l’étranger, politique de sécurité. Nous y avons travaillé ensemble pendant un an mes amis, avec la certitude de faire avancer, dans le compromis et l’échange, des réformes qui nous étaient chères. Je reviendrai brièvement sur chacune d’entre elles, avant de vous présenter quelques pistes de réflexion pour l’avenir.

Je souhaiterais d’abord partager avec vous un motif d’interrogation et de regret ; l’idée persistante selon laquelle une frange croissante de nos compatriotes continuerait à faire le choix de « l’exil fiscal ». Certains parlent même de fuite, voire d’exode, sans manifestement mesurer toutes les connotations historiques du terme. Je m’inscris en faux contre cette présomption dont les déclarations les plus récentes du ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, illustrent d’ailleurs le caractère erroné. Cette nouvelle forme de déclinisme traduit une représentation faussée de l’expatriation dans l’imaginaire de nos concitoyens. Elle illustre, surtout, une grande méconnaissance de sa réalité et de ses motivations. Car tout sépare les quelques centaines de Français quittant le pays par égoïsme fiscal, des milliers d’autres partant à la conquête du monde, mus par leur curiosité, leur goût de l’aventure, le désir d’apprentissage, de perfectionnement et des opportunités qu’ils peuvent y trouver. Ces Français, dont le nombre croît de 4 % chaque année, partent avec la France au cœur ! Ils partent, car ils savent que leur citoyenneté, leur culture et leurs savoirs sont de précieux atouts pour trouver leur place dans un monde en mouvement ; avant, souvent, de revenir riches de leurs expériences.

Il est donc essentiel que le regard sur la mobilité des Français change… Ceux qui y voient un rejet de la France ont tort. C’est, bien au contraire, parce que la France les a rendus plus au fait des enjeux du monde, que nos compatriotes n’hésitent plus à tenter l’aventure stimulante du départ. C’était le cas hier. C’est encore le cas aujourd’hui. Porter un regard neuf et positif sur l’expatriation, c’est comprendre que chaque Français à travers le monde délimite « les nouvelles frontières de la France ». Ce changement de paradigme guide mon action. Il en va de la cohésion de notre communauté nationale, de sa solidarité et de son unité, où que ses membres vivent, étudient ou travaillent. Quelle meilleure enceinte que votre Assemblée pour dresser un premier bilan et esquisser les réformes qui encouragent la mobilité internationale, dans son double mouvement : le départ, mais aussi le retour…

 

Ceci étant dit, je souhaiterais en premier lieu vous dire quelques mots sur la sécurité : la première préoccupation pour nombre de nos compatriotes établis hors de France.
Cette priorité s’est traduite par un engagement financier sans précédent. Il permettra de dégager annuellement 20 millions d’euros supplémentaires pour la sécurisation de nos représentations diplomatiques et consulaires, mais aussi pour la protection des communautés françaises. Notre programme d’action prend, bien évidemment, en compte l’évolution des menaces. Surtout, il tire les leçons d’expériences passées, comme celles de République centrafricaine et de Libye. Nous avons ainsi doté le Centre de crise du Ministère des Affaires étrangères de 800 000 € supplémentaires, afin de mieux répondre aux demandes des postes.

L’impact de ces efforts budgétaires est très concret. Suite à la consultation lancée auprès de nos ambassadeurs à l’automne 2012, à ma demande, nos outils de gestion de crise ont été rénovés. Je pense à la cartographie sécuritaire de Conseils aux voyageurs, pour caractériser les risques naturels, humains ou sanitaires. Ces recommandations, consultées par plus de 7 millions de Français, rencontrent un taux de satisfaction de 93 %. Je pense aussi aux évolutions apportées à l’application mobile Ariane, qu’il nous appartient de développer. J’ai, dans cette perspective, le 28 juin dernier, signé une convention avec le Syndicat national des agences de voyage et l’Association des tour-opérateurs. L’enjeu est de responsabiliser nos ressortissants en les informant sur les risques éventuels encourus dans certains pays. Une campagne de communication a été lancée à la veille de l’été : elle se poursuivra auprès des mairies, des préfectures, ainsi que des opérateurs français travaillant à l’étranger. En moins d’un an, les inscriptions sur Ariane ont doublé, pour atteindre 100 000 utilisateurs.

Afin de progresser encore, j’ai demandé au Centre de crise d’élaborer des fiches – spécifiques à chaque pays ou zone géographique – détaillant les premiers réflexes à adopter.

En étroite concertation avec le ministre des Affaires étrangères, je veille à l’optimisation de nos moyens de sécurité. Mes échanges avec les ambassadeurs et les consuls des pays en crise sont permanents et, toutes les trois semaines, je rencontre le directeur du Centre de crise, Monsieur Didier Le Bret, dont je tiens ici à louer le professionnalisme. Cette mobilisation s’accompagne de déplacements sur le terrain. Je me rendrai le 13 novembre prochain, à Jakarta, pour participer à un exercice de gestion de crise.

La sécurité commande, parfois, de gérer des situations critiques touchant à la liberté et à la dignité des personnes.

Avec ma collègue Najat Vallaud-Belkacem, nous avons lancé une action de prévention et de lutte contre les mariages forcés ; une réalité méconnue, qui touche principalement les jeunes filles et parfois les jeunes femmes contraintes de se marier contre leur gré. J’ai demandé aux postes de nous signaler les cas qu’ils avaient eu à connaître. Cette enquête avait vocation à dresser un premier état des lieux. A partir des réponses recueillies, nous avons établi une typologie des pays à risque. L’enquête a permis, en quelques semaines, de recenser une douzaine de cas. Depuis, nous avons édité une brochure qui a été diffusée à tous nos postes. Elle donne des informations pratiques pour favoriser la prévention et lutter contre cette violence faite aux femmes.

La même exigence de solidarité nous mobilisera sur les questions touchant à l’enfance handicapée. Un dispositif d’allocation forfaitaire, qui représente un million d’euros, existe déjà. Il concerne plus de 400 enfants. Nous réfléchissons aujourd’hui à son amélioration. L’enjeu est de parvenir, par redéploiement, à une revalorisation de cette allocation sans déséquilibrer nos politiques sociales et pénaliser d’autres dispositifs.

 

Accompagner la mobilité exige aussi de répondre aux attentes de nos compatriotes en matière de simplifications administratives. Cette aspiration que je partage guide un autre volet de mon action : celui de la modernisation des services consulaires. Nous avons pris quatre mesures qui simplifient la vie de nos compatriotes :
– La première concerne le programme de modernisation de l’administration consulaire. Lancé par le DFAE auprès de 20 consulats, il s’appuie sur une concertation inédite qui porte ses fruits. Pour preuve, le passeport de 48 pages, destiné aux grands voyageurs, est un succès. A Hong Kong, par exemple, il représente déjà 20 % de la demande !
– la deuxième concerne le lancement de la valise Itinera. Cette innovation permet aux agents consulaires, dans les circonscriptions étendues, d’aller à la rencontre des usagers et d’instruire des demandes de passeports dans des délais plus courts qui n’ont rien à envier à ceux des mairies. Parallèlement – je m’en entretiendrai prochainement avec le Ministre de l’Intérieur -, j’ai proposé que le rôle des consuls honoraires soit réformé, afin de leur permettre de prendre des empreintes biométriques nécessaires à la délivrance des passeports pour les personnes vivant loin des postes.
– la troisième concerne le portail des services consulaires « MonConsulat.fr » qui évite désormais des déplacements coûteux et chronophages. Ses fonctionnalités sont prometteuses car elles répondent aux attentes de nos compatriotes qui, plus que d’autres, utilisent Internet pour leurs formalités administratives.
– la quatrième porte sur la dématérialisation des procédures d’état civil – une évolution très attendue – qui a permis de générer des économies importantes, tout en simplifiant les démarches pour l’usager.

 

Nos compatriotes de l’étranger, Mesdames, Messieurs les conseillers, sont aussi très exigeants sur les conditions d’enseignement que nous mettons à leur disposition. D’où nos efforts constants pour le maintien et l’adaptation de notre réseau. Je voudrais rappeler que deux tiers des 300 000 élèves fréquentant nos établissements sont étrangers. Et la demande ne cesse de croitre de la part des nouvelles classes moyennes notamment, en Amérique du Sud, au Moyen-Orient et en Asie. J’ai donc engagé une réflexion sur le développement de nos établissements, qui a donné lieu à une large concertation et à laquelle des représentants de votre assemblée ont été associés. Elle a débouché sur des recommandations approuvées en conseil des ministres le 28 août dernier. Trois grandes orientations ont été adoptées :
– La première concerne l’adaptation de notre offre qui passe par une réunion interministérielle annuelle présidée par le ministre des Affaires étrangères. Cette méthode facilitera l’implication de tous les ministères concernés ; au premier rang desquels le Ministère de l’Education nationale avec lequel j’ai souhaité nouer – c’est une revendication ancienne de votre assemblée – une relation plus étroite. Elle garantira le maintien de la qualité de l’enseignement, et améliorera le pilotage pédagogique du réseau homologué.
– La deuxième vise à mieux prendre en compte la demande des familles scolarisant leurs enfants dans les systèmes locaux. Nous développerons l’accès à de nouveaux contenus comme le programme FLAM ou les cours du CNED qui proposent depuis cette rentrée une offre dédiée. Nous développerons également l’enseignement bilingue francophone. C’est la vocation de Label France Education qui labellise les établissements étrangers à filière bilingue.
– La troisième concerne l’évolution du réseau homologué avec une augmentation des ressources en direction des pays prioritaires et vers les zones de croissance de nos communautés expatriées. Elle passera aussi par l’ouverture de nouveaux établissements partenaires autofinancés, le développement de sections internationales et la création de classes technologiques.

Autant d’initiatives qui répondent aux objectifs inscrits dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

 

Je finirai ce tour d’horizon en évoquant la réforme des bourses scolaires.
Les crédits qui y sont destinés pour les années 2013, 2014 et 2015 ont été sanctuarisés à ma demande. Nous souhaitions améliorer le système d’attribution dans le sens d’une plus grande équité. Les résultats de la première Commission nationale des bourses, qui s’est tenue en juillet dernier, permettent de dresser un bilan positif. Par votre participation aux commissions locales des bourses, vous avez joué un rôle majeur dans la mise en œuvre du nouveau système. Soyez en remerciés, et soyez assurés que je ne manquerai pas d’écouter vos suggestions d’amélioration.

Permettez-moi, enfin, au lendemain de la rentrée, de saluer le travail de la communauté enseignante et des équipes administratives présentes dans 130 pays. J’ai néanmoins une pensée toute particulière pour les personnels et les familles des établissements qui ont vécu des moments difficiles dans un certain nombre de pays. Notre diplomatie d’influence par l’éducation est une réussite. Elle est vivante. L’ouverture d’un nouveau lycée français à Amman, que j’aurai le plaisir d’inaugurer le 26 septembre prochain,  en atteste. Partout où exerce un ingénieur, un technicien, un ouvrier, un chef d’entreprise formé par la France, c’est la France qui rayonne et tient son rôle dans le monde.

A ce titre, j’ai récemment eu l’occasion de réagir aux allégations selon lesquelles la jeunesse de France fuirait son pays. Quel contresens au regard des efforts déployés par le gouvernement pour, précisément, accroitre la mobilité de nos jeunes ! Portées par mes collègues Geneviève Fioraso et Valérie Fourneyron, plusieurs initiatives ont été présentées en Conseil des ministres le 24 juillet dernier. La plus emblématique est sans conteste l’élargissement du programme Erasmus aux jeunes formés dans les filières technologiques et professionnelles, ou en apprentissage. Autant d’initiatives prouvant que la mobilité des jeunes est un axe majeur de notre politique d’influence, indissociable d’une réflexion plus globale sur la façon de mieux accompagner la mobilité internationale des Français.

Qui dit mobilité, dit départ. Mais la mobilité, c’est aussi, souvent, le retour. Cette dimension de la vie d’expatrié est encore trop négligée. J’ai souhaité en faire un chantier prioritaire en cette rentrée. Sur le plan des retraites, de l’aide sociale, de l’équivalence des diplômes, l’impatriation recouvre des enjeux de première importance. Je formulerai des propositions au Ministre des Affaires étrangères dès le premier semestre 2014.

 

Je souhaiterai, en conclusion, revenir sur ce qui aurait pu nous diviser, mais qui nous réunira j’en suis certaine : la réforme de la représentation politique de nos compatriotes. La loi du 22 juillet 2013 consacre une réforme qui était attendue de longue date et va dans le bon sens : celui de l’équité, de la proximité et de la vitalité citoyenne. La loi du 7 juin 1982 introduisant le suffrage universel dans la représentation de nos compatriotes expatriés avait été portée avec passion et résolution par Claude Cheysson. Trente ans plus tard, animée des mêmes sentiments, j’ai repris cette réforme qui constitue une étape majeure vers une meilleure prise en compte de la voix des Français établis hors de France. Je sais les débats, vifs parfois mais toujours argumentés, qui l’ont fait vivre. Je les ai partagés tant j’en savais l’importance pour avoir siégé de nombreuses années parmi vous.  N’en doutez pas cependant : c’est au souvenir de nos réflexions communes que je l’ai porté dans le respect de contraintes politiques et budgétaires que vous connaissiez.

Le gouvernement a permis de voir cette réforme aboutir ; le Parlement l’a adoptée à une large majorité, le Conseil constitutionnel l’a validée. Ses décrets d’application, dont les grandes lignes seront présentées mercredi à la Commission des Lois et des Règlements de l’AFE, devraient être publiés avant la fin de l’année.
Vous connaissez l’esprit de la réforme, vous en connaissez le contenu : je n’y reviendrai pas. Sa mise en place sera effective après l’élection des nouveaux conseillers consulaires en mai 2014.  Dans son nouveau format, la première réunion de l’AFE se tiendra au plus tard le 31 octobre 2014. Modifier la représentation politique des Français de l’étranger dans le sens d’une plus grande équité, d’une plus grande proximité et d’une plus grande vitalité citoyenne, n’est pas faire injure à votre Assemblée, ni à votre travail. C’est, au contraire, faire entendre plus fortement encore la voix de nos compatriotes éloignés.
L’enjeu, à présent – j’y prendrai toute ma part -, est de promouvoir le nouveau mode de scrutin et de représentation. Il est essentiel que nos compatriotes se sentent concernés et votent en nombre. Notre mobilisation est d’autant plus importante que 2014 sera une grande année électorale, avec l’élection des conseillers consulaires, des parlementaires européens, et des sénateurs.

Voilà, chers amis, un premier bilan et le cap de la politique que je conduis avec enthousiasme au Ministère des Français de l’étranger. Un enthousiasme qui trouve sa force dans l’écoute et la reconnaissance dont jouit le Ministère des Français de l’étranger. Mais il serait plus juste de dire l’écoute et la reconnaissance dont jouissent désormais les Français de l’étranger.

Chaque présence française à travers le monde délimite les nouvelles frontières de la France. A charge pour nous de les ancrer, aujourd’hui et demain, dans l’imaginaire des Français.

Je vous remercie. »

 

Crédit photo : Alain Fontaine

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