Je vis aux États-Unis depuis 2004, désormais à Washington après avoir passé six ans à Seattle. Lorsque j’ai obtenu mon doctorat à Bordeaux en 2003, j’ai envisagé un stage post-doctoral à l’étranger, passage quasi obligatoire pour toute carrière scientifique. J’hésitais entre Oxford, au Royaume-Uni, ou Seattle, aux États-Unis. J’ai voyagé en Asie du Sud-Est et en Inde avant de décider de partir à Seattle pour deux raisons : l’opportunité de travailler dans le laboratoire du Professeur James Mullins et l’extraordinaire scène musicale indépendante à Seattle, la ville du label Sub Pop Records, qui suffisait à me convaincre de partir aux États-Unis.
Etant devenue adulte dans les années 90, la lutte contre le SIDA était pour moi le combat de ma génération et je souhaitais contribuer à la recherche contre cette maladie.
Partie pour un post-doctorat de trois ans, diverses opportunités professionnelles ont fait que je suis toujours aux États-Unis. Je dirige un laboratoire au sein du programme de recherche sur les maladies infectieuses de l’armée américaine. Nous travaillons à mieux comprendre l’évolution des virus et identifier des vaccins. La priorité de ma carrière reste de trouver un vaccin contre le SIDA, une maladie qui tue plus de 2 000 personnes par jour dans le monde. Néanmoins, depuis janvier 2020, mon laboratoire se consacre à la recherche d’un vaccin contre la COVID-19. Chaque découverte scientifique est le fruit d’un travail collaboratif : travailler et encadrer des étudiants et chercheurs de différentes nationalités m’ont montré combien la diversité des approches fait progresser un projet. Dans mon laboratoire, la plupart des gens ne sont pas nés aux États-Unis et sont des femmes – former de jeunes chercheuses est une priorité qui rejoint mon engagement politique féministe.
L’ampleur de la pandémie COVID-19 a montré l’importance de l’expertise scientifique et le rôle que les scientifiques peuvent avoir dans certains pays pour aider la prise de décision politique. Consciente du manque d’implication des scientifiques dans la vie associative et politique, et face à la rapidité des mutations technologiques, aux enjeux écologiques et environnementaux, aux nouvelles questions bioéthiques, j’ai décidé m’impliquer davantage à partir de 2012. Mon engagement à gauche était une évidence. J’ai grandi dans un village rural du centre Bretagne, dans une famille catholique pratiquante, en allant à l’école catholique. J’ai été rapidement consciente des inégalités et de la nécessité de faire que chacun dispose des mêmes opportunités. Mes grands-parents paternels étaient de droite, mes grands-parents maternels de gauche, mon père avait choisi la gauche et j’ai fait de même.
Contrairement à la France, aux États-Unis, il est normal d’afficher publiquement son orientation politique ; on peut cocher une case correspondant au parti politique auquel on veut être affilié (démocrate, républicain, indépendant) quand on remplit ses papiers d’identité ou sa déclaration d’impôt. La ville de Washington est assez particulière car la plupart des habitants sont de gauche (plus de 90% des suffrages pour le candidat du Parti démocrate aux élections présidentielles de 2016). Il y a donc de nombreuses opportunités pour s’impliquer localement et faire vivre les valeurs de justice sociale et de solidarité qui sont aussi portées par Français du monde-adfe.
Magazine Français du monde-adfe, numéro 201