La vie ne me fait pas peur (Life doesn’t frighten me) – Maya Angelou
Éditions « Seghers Jeunesse • bilingue • »
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La peur, on le sait, est l’ennemi de la créativité et le foyer de la médiocrité. Petite fille noire née dans le Missouri du temps de la ségrégation raciale, la grande conteuse, poétesse et militante Maya Angelou (1928-2014) a dû affronter la peur et en a triomphé. Pauvreté, racisme, viol, addiction… Ayant surmonté les pires épreuves, elle s’est battue pour les droits civiques, l’égalité entre les hommes et les femmes quelle que soit leur couleur de peau. À travers la voix d’une enfant, elle nous offre dans ce poème des vers courageux, simples et profonds, parfaitement intemporels.
L’album bilingue est illustré par Géraldine Alibeu qui y déploie son univers original et foisonnant, vraiment à hauteur d’enfance. Page après page, la voix de Maya Angelou s’incarne en une fillette qui n’a pas froid aux yeux. Grâce à la puissance de son imaginaire, elle trouve la force d’être vaillante et de défier la violence du monde.
S.H.
À l’occasion de la sortie, le 8 mars 2018, des deux premiers albums bilingues La vie ne me fait pas peur de Maya Angelou et Doux comme un cornichon et propre comme un cochon de Carson McCullers, Français du monde-adfe a rencontré Anne Dieusaert, responsable des Éditions Seghers.
Comment est venu l’idée de publier des albums bilingues ?
Depuis toujours, la culture du bilingue est un fondement chez Seghers, et ces dernières années, les recueils de E. E. Cummings, Tennessee Williams ou Pablo Neruda ont été présentés aux lecteurs à la fois dans leur version originale et leur traduction française, en vis-à-vis. Il nous a semblé naturel de poursuivre cette démarche quand nous avons décidé de développer notre département jeunesse. Et puis, le fait de lire un texte dans deux langues concerne les enfants, mais s’adresse aussi à leurs parents ! D’une certaine manière, avoir des enfants, c’est l’occasion de revivre des premières fois.
« Avoir des enfants, c’est revivre des premières fois… »
C’est pourquoi vous avez fait le choix de présenter de la poésie, en version illustrée et bilingue, « pour la jeunesse » ?
Depuis quelques années, la défiance qui existait à l’égard du bilinguisme tend à reculer : on a compris qu’un enfant pouvait apprendre deux langues simultanément sans qu’il y ait de la confusion et des difficultés scolaires. Au contraire, les enfants bilingues acquièrent une véritable plasticité intellectuelle et montrent une plus grande capacité de concentration : c’est un atout pour l’avenir. Dans un pays comme la France, en retard sur l’apprentissage des langues étrangères, le bilinguisme est une chance. C’est une façon d’ouvrir l’espace des possibles pour les adultes de demain.
Ces albums sont-ils destinés à l’enseignement scolaire ?
Ces albums peuvent tout à fait trouver leur place en bibliothèque et être utilisés en ateliers bilingues. Ils ont également été pensés pour le cercle familial : on sait que c’est dans la petite enfance que l’apprentissage d’une deuxième langue est le plus facile. Le fait que les parents s’impliquent dans cet apprentissage demeure primordial : c’est eux qui peuvent encourager l’enfant à s’approprier cette deuxième langue. C’est pourquoi lire dans une autre langue doit être présenté comme une activité ludique, et pas une contrainte ou une obligation.
Une lecture plaisir donc, à partager entre un adulte et un enfant ?
Le moment de la lecture – l’histoire du soir, notamment – est un moment privilégié du quotidien, je crois. Avec une version bilingue, la lecture peut également devenir un terrain de jeu. Dans certaines familles, l’enfant peut se retrouver à armes égales avec l’adulte qui lit avec lui – fou rire garanti ! Parent et enfant vont alors corriger leurs petits défauts de prononciation et progresser ensemble.
« Partager le goût de la lecture et des langues ! »
Mais alors, le choix des deux auteures, Maya Angelou et Carson McCullers, concerne les parents ou les enfants ?
Il nous a semblé qu’il était important de proposer ici un livre avec plusieurs « entrées » : le bilingue d’une part, mais aussi la beauté de l’illustration et la qualité littéraire. Maya Angelou et Carson McCullers ne sont pas connues des enfants, mais leurs parents, eux, ont des souvenirs de lecture heureux avec ces deux immenses écrivaines américaines du XXe siècle. Je pense qu’ils auront la curiosité de lire ce qu’elles ont écrit pour les enfants – des inédits pour le public français. D’où notre slogan: « On confie les petits aux plus grandes » …
Maya Angelou et Carson McCullers sont également des femmes. Est-ce que c’est un hasard de les avoir choisie pour inaugurer cette collection ?
On va dire que c’est un heureux hasard ! J’avais envie de proposer quelque chose de très fort et quand j’ai découvert ces textes de deux de mes auteures favorites, ça a été comme un déclic. J’aime que ce soit deux femmes écrivains, avec une œuvre incontestable, qui s’adressent aux petits et qui s’interrogent sur ce qu’il leur faut transmettre de leur expérience. Maya Angelou souligne l’importance de l’imaginaire pour affronter la vie et être libre, quand Carson McCullers – qui n’a pas eu d’enfant – exprime l’importance du rêve dans le quotidien, d’un étonnement constant sur les choses. On est loin des clichés des princesses qui attendent leur prince charmant !
Dans Doux comme un cornichon et propre comme un cochon, vous avez fait figurer une note du traducteur. Est-ce qu’il y a une difficulté particulière à traduire pour les enfants ?
La poésie nécessite toujours une traduction très rigoureuse, afin de respecter le rythme, la métrique, les divers jeux sonores. Il ne faut jamais perdre l’esprit du poème… C’est pourquoi le traducteur doit être très créatif et trouver des équivalences. Dans le poème « Wednesday » de Carson McCullers, Jacques Demarcq a dû adapter ce qui aurait dû être un « mercredi » en un « Août », pour conserver le sens initial du texte.
La suite de la collection ? Toujours en anglais ?
En novembre prochain, deux nouveaux albums seront publiés : Nurse Lugton’s Curtain de Virginia Woolf et le If de Rudyard Kipling. Avec, là aussi, une illustration et toujours en mode français/anglais. Mais qui sait, peut-être pourrons-nous à l’avenir décliner en espagnol, en italien ou en allemand. Wait and see !
Propos recueillis par Simon Holpert