J’ai rencontré Myriam lors des journées du volontariat français qu’organise France Volontaire Equateur et chaque fois que je la revois depuis, je ne me lasse pas de sa détermination et de son franc parler. Son parcours est une façon de vivre l’expatriation de façon généreuse et lucide. Je lui laisse la parole, sa parole forte. D’ailleurs en espagnol le même mot désigne le courage et la colère.
Raconte-nous pour quelles raisons tu as quitté la France ?
J’ai quitté la France parce qu’il était temps pour moi de passer à autre chose et surtout de mettre à profit ma petite pension de veuve pour faire quelque chose de bien, pour réaliser le rêve que nous avions en commun avec mon mari, de partir pour travailler dans l’humanitaire.
Et pourquoi avoir choisi l´Equateur ?
Complètement par hasard. Je suis ambulancière de formation et l´une de mes petites collègues saisonnières et étudiante en ostéopathie, que j’avais à Nantes m’a parlé de l’Equateur où ils recherchaient du personnel ambulancier… Et me voilà !
Tu es venue seule ? Quelles sont, selon toi, les plus grandes difficultés de ton parcours d´expatriée ?
Je suis venue avec mes deux derniers enfants de 5 et 9 ans à l´époque. Le plus difficile fut de voir mes enfants souffrir de racisme anti-blanc dans l´école publique où ils étaient et de devoir me résoudre à les scolariser dans une école privée. Me sentir comme une étrangère, blanche, femme et seule avec ses enfants. De réussir à avoir une certaine légitimité dans mes actions…
En Equateur peux-tu travailler dans ton domaine ?
Je suis une ambulancière diplômée et avec une expérience de plus d’une dizaine d’années. Ma formation n’est pas valable dans le domaine paramédical en Equateur. En revanche, comme secouriste oui…
Comment a surgi l´idée de Patou Solidarité ?
Quand je suis venue visiter le pays à la recherche d’une mission qui me correspondrait, je suis tombée amoureuse de communautés indiennes qui vivent près de la ville de Tena dans l´Amazonie équatorienne. J’ai donc décidé de créer ma propre association et de développer directement avec les personnes des micro-projets en accord avec leurs traditions et leur culture. Le nom de l’association porte le surnom de mon mari : Patou, comme un hommage, pour que son absence ne soit pas vaine.. Et puis avec le temps, j’ai découvert la situation des femmes dans la province, les souffrances qu’elles enduraient dans le plus grand silence. Après une enquête approfondie, je me suis rendue compte que c’était un fléau national avec des chiffres officiels sur la violence de genre terrifiants : 67% des femmes ont été ou sont victimes de violence d’après l’INEC (Institut National de Statistiques de l’Equateur), ce qui nous a décidé avec notre équipe en France à penser à un projet de refuge pour femme maltraitées et à des campagnes de sensibilisation auprès des populations locales.
Quels sont tes soutiens pour ce projet ?
Nous bénéficions des soutiens institutionnels de l’Ambassade de France, de l’Alliance Française de Quito, du Comité des droits humains des femmes de la province de Napo (où se trouve Tena), de la Préfecture et de la Vice-préfecture de la province, de la Direction de la police judiciaire des affaires de violences familiales, de la Municipalité, … et de la générosité des compatriotes en France, des conseillères consulaires d´Equateur…. De Français du Monde avec la réserve parlementaire que nous a octroyé le sénateur Jean-Yves Leconte.
Tu es membre de Français du Monde et considères-tu qu´être Française change quelque chose pour Patou Solidarité ?
Je tâche d’abord de me servir du fait d’être une femme pour défendre une cause féministe et cela peut m’aider au niveau de mes compatriotes pour les sensibiliser à la situation des femmes dans le pays…
Si tu pouvais changer quelque chose à ton expérience en Equateur, qu´est-ce que ça serait ?
Honnêtement ? J’aimerais parfois que l’on me voit seulement comme un être humain plutôt que comme une « gringa » (façon péjorative de désigner les étrangers nord-américains et européens).
Quel est ton meilleur souvenir lié au projet ?
La solidarité féminine qui se développe petit à petit et qui se met en action.
Quel message souhaiterais-tu faire parvenir à nos compatriotes de l´étranger ?
Que la femme est l’éternelle victime de l’homme à travers le monde et que ce n’est qu’en s’unissant femmes et hommes que nous réussirons à changer les choses. Et pour cela, peu importe le pays. Nous sommes d’abord un être humain, ensuite une femme ou un homme et en dernier un ou une française… Et ce fléau est un fléau mondial, qui nous touche à tous les niveaux, quel que soit notre pays d’origine.
Un dernier commentaire ?
Merci de m’accueillir parmi vous…
Entretien réalisé par Florence Baillon
Si vous souhaitez en savoir plus sur Patou Solidarité et les soutenir, vous pouvez les retrouver sur Facebook.
Et les découvrir sur ces vidéos à l´occasion de leur 5 ans d´existence :