Alors que s’ouvre la campagne pour les bourses scolaires 2024/2025, les membres des conseils consulaires des bourses scolaires ont eu la mauvaise surprise de découvrir que les valeurs de l’IPPA (Indice de Parité du Pouvoir d’Achat) ont été modifiées dans un sens défavorable aux familles dans la grande majorité des pays dans le monde.
Pour certaines familles – comme à Kyoto (Japon) par exemple – cette simple baisse entraînera mécaniquement, par rapport à l’an dernier, une diminution de plus de 15 points de leur quotité de bourse, augmentant d’autant les sommes restant à leur charge. Après la hausse de 5 points de la CPS l’année dernière (CPS : variable d’ajustement désignée sous le nom de « contribution progressive de solidarité »), passée de 2 à 7 points, cette annonce d’une révision de l’IPPA est un nouveau coup dur porté au système des bourses scolaires destinées aux enfants français scolarisés dans l’Enseignement Français à l’Étranger (EFE).
Qu’est-ce que l’IPPA ?
L’Indice de Parité du Pouvoir d’Achat (IPPA) est un paramètre important qui intervient dans le calcul de la quotité attribuée à chaque famille. Il se caractérise par sa grande opacité : sa méthode de calcul exacte est en effet tenue secrète. Selon le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) qui en est le commanditaire, le cabinet privé Mercer fournit chaque année pour chaque ville concernée un :
« indice coût vie, calculé sur la base d’un indice de 100 pour Paris et portant sur un panier de consommation et des services, ainsi qu’un tableau des coûts moyens des logements de différentes catégories, par localisation. Le coût du logement est comparé à celui de Paris pour le ramener à un autre indice de base 100. L’IPPA final est constitué de 70 % de l’indice coût vie et de 30 % de l’indice coût logement, chacun pondéré par le taux de chancellerie entre l’euro et la monnaie locale».
– Réponse du MEAE à une question de l’ancien Sénateur des Français de l’étranger
Jean-Yves Leconte, 28 nov. 2019.
Un prétexte du gouvernement pour se défausser de sa responsabilité dans la baisse des bourses
L’évolution de l’IPPA en 2024, souvent sans rapport manifeste avec l’évolution réelle du coût de la vie dans les villes concernées, est imposée par l’administration aux conseils consulaires sans concertation ni explications, ni aucune possibilité de contrôle en l’absence de toute transparence sur la méthodologie. Selon la note de cadrage adressée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) aux membres des conseils consulaires des bourses scolaires 2024/2025, « L’institut Mercer a revu la méthode de calcul des indices de coût de la vie par pays et actualisé son panier de référence. De ce fait, les IPPA marquent une baisse qui peut être sensible ». C’est faire porter le chapeau du manque de moyens au dit « institut » ! En effet, le mode de calcul des bourses étant défini par une simple instruction administrative, rien n’empêchait l’AEFE ou son ministère de tutelle, s’ils en avaient eu la volonté, de prendre toute mesure utile pour atténuer les répercussions des nouveaux indices sur les bourses. En s’abstenant de prendre de telles mesures, le gouvernement a fait le choix politique d’une baisse des bourses et d’une augmentation du reste à charge pour les familles.
Un manque de transparence et des répercussions unanimement dénoncées
Lors de la 40e session de l’Assemblée des Français de l’Étranger (AFE) réunie en mars 2024, la Commission de l’Enseignement, des affaires culturelles, de la francophonie et de l’audiovisuel extérieur de l’AFE a adopté à l’unanimité une résolution sur la CPS, demandant que son taux, « fixé à 7 points, ne soit pas reconduit de manière automatique mais soit révisé pour la campagne de bourses 2024-2025 après analyse comparative de la somme des besoins exprimés par les familles et du budget disponible ». De son côté, à l’initiative du groupe Écologie & Solidarité (dont font partie les élus membres de Français du monde – ADFE), la Commission des Finances, du Budget et de la Fiscalité a adopté à l’unanimité une résolution sur le nouveau mode de calcul de l’indice de parité du pouvoir d’achat (IPPA), demandant « une plus grande transparence du mode de calcul qui impacte fortement les bourses scolaires », « un plafonnement pour limiter les effets négatifs (plus de 2 points) ou un lissage sur deux années », et « la communication du tableau annuel des IPPA pour les postes ». Exigence de transparence partagée par le groupe Les Indépendants de l’AFE, pour qui « une plus grande transparence sur les moyens réellement alloués aux bourses scolaires, les calculs des quotités et surtout de l’IPPA est impérative ». (Lettre du 4 avril 2024 adressée au ministre F. Riester).
Un pilier de l’Enseignement Français à l’Étranger dangereusement ébranlé
Le système des bourses scolaires joue un rôle essentiel pour permettre au réseau de l’enseignement français à l’étranger de satisfaire au mandat confié par la loi aux établissements gérés par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ou conventionnés : « assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l’éducation » (Art. L452-2 du Code de l’éducation).
Avec l’annonce du maintien à 7 points de la CPS, anticipant donc d’ores et déjà un budget insuffisant pour répondre aux besoins des familles, en l’absence de toute mesure d’amortissement des effets du nouveau calcul de l’IPPA, dans un contexte de hausses générales des frais de scolarité, le reste à charge pour les familles va encore augmenter, portant une fois de plus atteinte à la crédibilité et à la stabilité de notre système de bourses scolaires. Le risque est grand de forcer certaines familles à déscolariser leurs enfants, et d’en dissuader d’autres de les scolariser dans le système français.
Un sursaut nécessaire pour préserver l’accessibilité de l’enseignement français
L’association Français du monde – ADFE constate une fois de plus que la politique suivie vise avant tout à réduire artificiellement les besoins pour les « faire entrer » dans une enveloppe de moyens insuffisante, le budget n’évoluant pas à la mesure de l’augmentation du nombre d’enfants français scolarisés et des hausses des frais de scolarité.
Résultat : ce seront les familles à revenus intermédiaires qui paieront le prix des ajustements budgétaires décidés par le gouvernement malgré l’ambition affichée par celui-ci de doubler les effectifs dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger et de défendre la francophonie.
Pour ces raisons, les membres de Français du monde – ADFE siégeant aux conseils consulaires des bourses scolaires de la campagne 2024/2025 liront une déclaration liminaire dénonçant la dégradation des conditions faites aux familles, et seront particulièrement vigilants, pendant ces conseils, à l’évolution du reste à charge pour chaque famille.
Fidèles à nos valeurs de solidarité et résolument aux côtés de tous nos compatriotes établis à l’étranger, nous appelons de nos vœux une politique d’aide à la scolarité plus volontaire et plus ambitieuse, afin de préserver la mixité sociale et l’accès de tous les enfants français à l’enseignement français de l’étranger.