En cette Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, le 25 novembre 2023, l’urgence et la complexité de cette cause se dévoilent dans toute leur ampleur. Malgré les avancées notables, notamment grâce aux mouvements #MeToo, le constat est amer : les violences persistantes révèlent un décalage alarmant entre les besoins croissants des victimes et les ressources allouées.
Où est l’argent ?
L’argent est incontestablement le nerf de la guerre ! Alors où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? Une question posée comme un cri du cœur par La Fondation des femmes dans son rapport annuel 2023.
Ce n’est pas la première fois que la Fondation utilise cette interrogation de choc pour alerter sur le manque de moyens et interpeller les pouvoirs publics. L’intitulé de son rapport de 2018 avait inauguré la formule et est malheureusement toujours d’actualité cinq ans après, malgré les notables progrès résultant du « Grenelle des violences conjugales » de 2019. En effet, les associations font état d’une explosion de leurs besoins compte tenu de l’augmentation vertigineuse des femmes qui osent désormais les solliciter pour dénoncer des violences sexistes et sexuelles.
En ce sens, on peut saluer le succès des divers mouvements et initiatives #MeeToo qui ont levé le voile sur de nombreux tabous et craquelé la loi du silence, même si tous les acteurs du terrain s’accordent à penser qu’on est encore largement en-deçà de la réalité.
En clair, l’augmentation en valeur absolue du budget de l’État masque la baisse de 26 % des dépenses par victime de violences conjugales.
Mais c’est du côté des victimes de violences hors couple que le constat d’insuffisance est le plus flagrant. Un budget en légère augmentation depuis 2018 mais qui reste dérisoire et dénote, toujours selon la Fondation, une « véritable zone blanche politique ».
En 2020 déjà, un rapport du Sénat, pointait ces insuffisances ; soulignant notamment que « Le bénévolat est la règle dans la majorité des structures associatives œuvrant pour le droit des femmes et la lutte contre les violences, en raison notamment d’un manque de moyens financiers pour recruter » et dénonçant en même temps un manque général de visibilité budgétaire qui affaiblit l’action et l’efficacité de ces organisations.
Pour exemple, le financement public alloué à la Ligne téléphonique du Collectif féministe contre le viol correspond à l’équivalent de 0,20 EUR par victime écoutée.
La société civile joue donc les bouche-trous du manque de moyens publics !
Pour résumer, la Fondation des femmes rappelle qu’en 2023 l’État a investi 171,7 millions d’euros dans le domaine des violences conjugales (pour une fourchette haute/basse d’estimation des besoins comprise entre 2,3 et 3,2 milliards d’euros) et seulement 12,7 millions d’euros dans la lutte contre les violences sexistes sexuelles (la fourchette haute/basse d’estimations des besoins s’établit entre 344 millions et 2,2 milliards d’euros).
Une révolution budgétaire s’impose !
Stagnation sociétale !
Le volet sociétal de la thématique serait-il plus avancé que le volet budgétaire ? On peut rêver !
Ce n’est en tout cas pas le constat de l’Observatoire des VSS en politique que nous avions déjà présenté, ni celui de l’Observatoire des violences sexuelles et sexistes dans l’Enseignement supérieur
Courant 2023, ces deux organismes ont respectivement publié une étude intitulée « Analyse des réactions des personnalités politiques mises en cause pour violences sexistes et sexuelles, de celles de leurs entourages et de leurs conséquences » et un « Baromètre des violences sexistes et sexuelles dans l’Enseignement supérieur ».
Deux milieux très différents, mais des constats et analyses similaires. Tandis que l’OVSSP affirme « se heurter à un mur » du fait de la réticence des acteurs à s’engager pleinement dans la bonne voie, l’observatoire étudiant pointe l’illusion des « communiqués de presse léchés » et « mesures annoncées », dans un contexte où violences et dysfonctionnements perdurent au sein des établissements de l’enseignement supérieur et où la situation ne s’est pas améliorée depuis la publication de la première enquête de l’observatoire en 2020.
Il ne suffit donc pas de médiatiser un problème pour le résoudre. Les deux organismes s’inquiètent d’un manque de connaissance et de reconnaissances des violences, voire même d’une banalisation, minimisation et tendance à la déresponsabilisation des auteurs.
Des solutions ?
Certes, on peut et doit, encore et toujours, dénoncer le manque d’ambition des politiques publiques dédiées, mais une société responsable doit également se poser la question de l’éducation, des prises de conscience et de la sensibilisation. Autant d’éléments susceptibles de déboulonner les paradigmes culturels sexistes, discriminants et violents ancrés depuis des siècles dans notre société.
À cet égard, l’initiative associative « Fresque du sexisme », qui se propose de « détricoter la mécanique sexiste et identifier les dynamiques qui alimentent le cercle vicieux » est un outil prometteur.
Asma Rharmaoui-Claquin, adhérente Français du monde – ADFE Berlin, a participé à une Fresque du sexisme et nous livre son témoignage :
« L’atelier de la Fresque du Sexisme est ouvert aux femmes et hommes. Cela permet d’échanger et de travailler ensemble pour déconstruire les injonctions sexistes auxquels nous sommes toutes et tous confronté.es au quotidien. Via la Fresque du sexisme, on comprend qu’une société plus égalitaire entre les femmes et les hommes profiterait à l’ensemble de la population. Nous avons abordé le sujet de la charge mentale qui pèse beaucoup sur les femmes. La Fresque du sexisme permet une libération de la parole et une prise de conscience des réflexes sexistes. Nous avons évoqué aussi l’importance de prendre en compte les émotions dès la plus tendre enfance. Qui n’a pas entendu « un garçon, ça ne pleure pas » ou « une fille doit être calme » ? Ce genre d’affirmations marque la socialisation de l’individu et le conditionne à adopter ces injonctions. J’étais très satisfaite de cette Fresque notamment la partie « mise en situation ». Nous devions réagir à des cas de sexisme ordinaire avec une répartie constructive et tout de même claire. La Fresque du Sexisme donne un excellent aperçu sur les manières de lutter contre le sexisme au travail, dans la sphère privée mais également au sein de la société de manière générale. »
Pour conclure, prévention et élimination sont indissociables. Politiques ou société civile : la lutte contre le fléau des violences à l’égard des femmes est notre combat à toutes et à tous… et pas seulement le 25 novembre !