Ernest Renan, concepteur de la notion moderne de «Nation», aurait-il approuvé la création des députés des Français de l’étranger et aurait-il vu dans ces nouveaux représentants les porteurs d’une vision ouverte et étendue de la Nation qui dépasserait en tout cas le seul cadre de nos frontières ?
Presque 130 ans après la célèbre conférence qu’il prononça à la Sorbonne le 11 mars 1882 pour définir la «Nation», imaginons qu’à cette question Renan aurait pu répondre par l’affirmative.
Mais où peut bien se situer le « Vouloir vivre ensemble », ciment de la Nation, quand on réside à l’étranger, qu’on entretient un lien plus ou moins distendu avec les communautés françaises locales, qu’on ne paye pas, ou pas toujours, d’impôts en France et qu’on entretient, comme c’est le cas pour certains binationaux, un rapport complexe à la langue française ?
Le stéréotype de l’expatrié fiscal que serait le français résident de l’étranger n’a-t-il pas la peau dure et le Français de l’étranger n’est-il pas (trop) vite accusé d’être un «mauvais Français» ou un Français apatride de seconde catégorie, au point qu’on puisse douter de cette commune appartenance à une même Nation ?
Et pourtant …
Le «vouloir vivre ensemble» ciment des nations modernes, dépasse à n’en pas douter le seul cadre d’un territoire, celui de l’hexagone et de ses prolongements d’outre mer. Renan définit l’appartenance à la Nation comme le partage « d’une âme» ou d’un «principe spirituel», une notion assise à la fois sur «le passé» soit «la possession en commun d’un riche legs de souvenirs» et «le présent» soit «le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis».
Le lien avec le «legs du passé» se conçoit pour les Français de l’étranger à travers l’expérience d’une culture partagée et d’abord d’un rapport à la langue française.
La transmission de la langue, qu’elle passe par la scolarisation en établissement scolaire francophone, par une éducation en français au sein de la cellule familiale ou par la fréquentation d’un projet FLAM, permet de se raccrocher à ce passé et de nourrir également le consentement au «vivre ensemble» et donc le lien à une culture vivante et mouvante : les instituts français de l’étranger, d’abord établissements de coopération culturelle, ne permettent-ils pas également à titre subsidiaire d’entretenir ce lien avec la culture française dans ses expressions les plus contemporaines, par l’accès à l’écrit en français, ou aux représentations de «spectacles vivants» et de «musiques actuelles» ? La diffusion des médias français à l’étranger, que ce soit par la radio, la télévision ou le net, ne permet-elle pas également d’entretenir ce lien privilégié avec la culture nationale ?
Certes, le consentement au «vivre ensemble» doit s’entendre à l’étranger dans une vision ouverte, parfois plus virtuelle et moins immédiate que la résidence partagée sur le sol national :
Nourrir des liens avec les communautés françaises dans un pays donné, à travers l’expérience associative qui permet de partager une commune expérience de vie et d’action est peut être aussi une première expression a minima de l’appartenance à une même nation. Mais c’est plus largement par le vote qu’un Français de l’étranger peut donner le signe le plus éclatant de l’appartenance à la nation, grâce à ce mode privilégié d’expression de la souveraineté populaire dans une démocratie.
A n’en pas douter, c’est le taux de participation aux législatives en juin prochain qui donnera une légitimité forte à ce « vouloir vivre ensemble » alors que les modalités d’expression du vote, à travers le vote par correspondance, par voie électronique ou à l’urne, ont été multipliées pour permettre aux Français de l’étranger de s’exprimer largement.
Sans vouloir dramatiser à l’excès le taux de participation aux élections, c’est à coup sûr ce « baromètre » politique qui jouera un rôle capital dans le devenir des députés de l’étranger, qui leur donnera leur première légitimité forte et garantira ainsi un lien renforcé des citoyens de l’étranger à la Nation française. Ce «plaidoyer pour une Nation ouverte» est donc un bon prétexte à l’appel au vote et au civisme. Alors, les 3 et 17 juin* prochain, Françaises et Français de l’étranger, votez en nombre !
Boris FAURE
Vice-président de Français du monde-adfe
* Pour les deux circonscriptions d’Amérique, le vote aura lieu les 2 et 16 Juin.