Les sénatrices Mathilde Ollivier et Mélanie Vogel ont déposé une proposition de loi visant à garantir aux Français en situation de handicap vivant à l’étranger un accès équitable à l’Allocation aux adultes handicapés (AAH). Actuellement, cette prestation repose sur une condition de résidence en France, excluant ainsi la majorité des Français de l’étranger. Une situation perçue comme une inégalité de traitement que les parlementaires souhaitent rectifier.
Le député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, Karim Ben Cheikh, a également dénoncé cette situation, soulignant dans un rapport que « l’absence de cadre clair pour les Français de l’étranger en situation de handicap constitue une injustice sociale majeure ». Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi : « l’allocation versée aux Français de l’étranger en situation de handicap reste considérée comme une simple mesure gracieuse du ministère des Affaires étrangères, sans véritable encadrement législatif ni réglementaire, à la différence de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) versée sur le territoire national ». Cette lacune législative crée une rupture d’égalité, donnant l’impression que les Français vivant hors de France sont des citoyens de seconde zone.
L’AAH : qui peut en bénéficier ?
L’Allocation aux adultes handicapés est une prestation sociale destinée à garantir un revenu minimum aux personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas travailler ou dont les revenus sont très faibles. Pour y prétendre, plusieurs critères doivent être remplis :
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- Être âgé d’au moins 20 ans (ou 16 ans si la personne n’est plus à la charge de ses parents).
- Présenter un taux d’incapacité d’au moins 80 % ou entre 50 % et 79 % avec une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi.
- Avoir des ressources inférieures aux plafonds fixés par la Caisse d’allocations familiales (CAF) ou la Mutualité sociale agricole (MSA).
- Résider de manière stable et régulière en France.
C’est ce dernier critère qui exclut la quasi-totalité des Français de l’étranger, à quelques exceptions près : ceux qui suivent une formation ou des soins en Belgique, ou qui sont hospitalisés dans le cadre de la Sécurité sociale française. La proposition de loi vise à « aligner les critères d’éligibilité à l’AAH pour les Français établis hors de France sur ceux applicables sur le territoire national, notamment en permettant l’accès à l’allocation dès 50 % d’incapacité dès lors qu’existe une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », et ainsi de réduire cette disparité.
Des conséquences lourdes pour les Français de l’étranger
Cette restriction laisse de nombreux Français en situation de handicap à l’étranger sans soutien financier, alors que le coût des soins et du handicap varie fortement selon les pays. Contrairement à la France, où la Sécurité sociale couvre une large part des dépenses, les Français à l’étranger doivent souvent souscrire à des assurances privées onéreuses. Le programme 151 du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères offre une aide ponctuelle via les Conseils consulaires pour la protection et l’action sociale (CCPAS). Cependant, son attribution dépend des autorités consulaires locales et reste irrégulière, sans garantie de montants fixes.
L’exposé des motifs souligne cette situation en affirmant : « les critères d’attribution sont plus restrictifs à l’étranger : alors qu’en France métropolitaine, l’AAH peut être accordée dès 50 % d’incapacité, un taux minimal de 80 % est systématiquement exigé pour nos compatriotes à l’étranger. Cette différence de traitement n’est fondée sur aucune justification et crée une discrimination de fait entre les Français selon leur lieu de résidence. »
Une proposition de loi pour un traitement égalitaire
Mathilde Ollivier et Mélanie Vogel proposent de réformer ce système en supprimant la condition de résidence en France pour l’AAH, harmonisant les critères d’éligibilité et clarifiant les aides du programme 151. Karim Ben Cheikh appuie cette initiative, estimant que « les Français de l’étranger ne doivent pas être des citoyens de seconde zone ». Cette proposition s’inscrit dans une volonté plus large de garantir une continuité des droits sociaux pour les Français de l’étranger. Le débat est ouvert, et la balle est désormais dans le camp du Parlement.
L’exposé des motifs décrit ainsi la finalité de cette réforme : « la présente proposition de loi vise à créer dans le code de l’action sociale et des familles un cadre juridique clair et équitable pour l’allocation versée aux adultes en situation de handicap inscrits au registre des Français établis hors de France. » L’objectif est d’« harmoniser les critères d’attribution avec ceux applicables sur le territoire national, tout en tenant compte des spécificités de la situation des Français établis hors de France ».
- Handicap et expatriation – (diplomatie.gouv.fr)
- Allocation aux adultes handicapés pour les Français établis hors de France – Proposition de loi visant à renforcer l’accès à l’allocation aux adultes handicapés pour les Français établis hors de France – (senat.fr)
Appel à témoignages : Françaises et Français en situation de handicap à l’étranger