Accueil 5 En débat 5 Journée internationale des droits des femmes 2024… Sous le sceau d’une euphorique victoire en France !
L’année dernière à la même occasion, nous écrivions « Gare au Backlash » et faisions notamment référence à l’annulation pure et simple de la Cour suprême américaine de l’arrêt Roe vs Wade garantissant le droit à l’avortement. Un an après que le couperet soit tombé, une bonne dizaine d’états américains avaient d’ores et déjà interdit l’avortement, certains mêmes (Texas, Louisiane et Mississipi) ne prévoyant même pas d’exception en cas de viol ou d’inceste. 

A contrario, qui aurait alors pensé, qu’en ce 8 mars 2024 la France consacrerait l’inscription, dans sa Constitution, de la « liberté garantie » à avorter et serait le premier pays au monde à s’engager dans cette voie ? Quelle belle victoire, gagnée de haute lutte. L’aboutissement du combat et du militantisme de plusieurs générations de femmes ainsi que des hommes qui les ont soutenues. Et même si le terrible arrêt américain avait tout d’abord provoqué en France un électrochoc déclencheur d’une volonté, fermement revendiquée jusqu’au plus haut sommet de l’État, d’empêcher coûte que coûte une telle régression dans notre pays, la mise en œuvre, elle, fut plus laborieuse. Entre atermoiements parlementaires et lenteur gouvernementale… il fut par moment difficile d’y croire. C’est maintenant chose faite, et des verrous tenaces ont sauté, comme en témoigne l’incroyable résultat du vote du Congrès. Alors savourons pleinement ces mots et cette victoire :

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse [IVG] » (article 34 de la Constitution).

Faut-il pour autant baisser la garde ? Sûrement pas !

Certes la liberté d’avorter est garantie et cela semble irréversible, sauf initiative, plutôt improbable, d’une nouvelle révision hostile. Et cette liberté est conditionnée par une loi. On peut donc y voir une protection de la loi Veil. Pour autant, il n’y a nulle part la notion de loi plancher, ni de garantie minimale de conditions d’application et un gouvernement disposant d’une majorité ultra-conservatrice et régressive pourrait un jour revisiter la Loi Veil pour y introduire des conditions tellement limitatives qu’elles videraient de sa substance cette liberté constitutionnelle durement conquise. Il faudrait alors espérer que le Conseil constitutionnel en place joue pleinement son rôle de garant et tout dépendrait, à ce moment-là, de la composition de ce Conseil. L’histoire a parfois vu émerger des scénarios d’horreur qui paraissaient, à une certaine époque, totalement improbables. 

« N’oubliez pas qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » (Simone de Beauvoir).

Restons vigilant.es et n’oublions pas le combat, qui est encore loin d’être gagné partout, de l’accès à cette liberté !

Paradoxalement, l’actualité parlementaire des dernières semaines a également montré, une fois de plus, à quel point la cause des droits des femmes est toujours difficile à faire avancer et qu’il faut, pas à pas, abattre de nombreux obstacles. Ainsi, le Sénat vient-il de rejeter une proposition de loi visant à instaurer un arrêt menstruel, sans perte de salaire, pour les femmes souffrant de règles douloureuses. On pourrait espérer qu’à notre époque, le bien-être de la femme au travail soit considéré comme une priorité par notre société ! Le nombre de femmes concernées par des dysménorrhées est estimé à près de 7 millions et cette mesure de pause est réclamée depuis très longtemps par les associations féministes et de défense des droits de la femme. L’Espagne s’est dotée d’une telle loi en 2023, devenant le premier pays d’Europe à faire le pas. Nonobstant l’absence de cadre légal, certaines entreprises ou collectivités françaises ont déjà instauré un congé menstruel, avec un bilan encourageant puisque les organismes concernés témoignent unanimement de l’absence de recours abusif à cette possibilité et font valoir un pacte de confiance. Osons espérer que ces exemples positifs se multiplieront et finiront par convaincre la majorité parlementaire conservatrice !

Anne Henry-Werner
Anne HENRY-WERNER
Section Hesse (Allemagne)

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