Le groupe SoliFem, formé pendant le confinement avec pour objectif de répondre aux violences patriarcales et LGBTIphobes, offre un espace d’échange et de soutien pour les francophones résidant en Argentine. Engagé dans une perspective de solidarité féministe, le collectif cherche également à influencer les politiques françaises à l’étranger pour mieux prendre en compte les questions de genre. Au sein du Collectif Solidaires, SoliFem participe activement à la représentation des Français de l’Étranger en Argentine, en mettant en avant les enjeux féministes et en expérimentant des pratiques politiques plus inclusives et horizontales. Découvrez comment leur engagement reflète une volonté de transformation sociale et politique vers plus d’égalité et d’inclusion. Rencontre avec les co-animatrices de SoliFem : Mariana Gonzalez Lutier, Pauline Maynier et Marie Uteau Venegas.
En octobre 2022, plusieurs membres de votre groupe ont participé à cette 35ème Rencontre « Encuentro plurinacional de Mujeres y disidencias », de quoi s’agit-il ?
Pauline : La première édition a eu lieu dans un théâtre de Buenos Aires en 1986.
Depuis, notre rencontre annuelle est devenue un moment incontournable dans la vie du mouvement féministe argentin. Cette année, nous étions plus de 100 000 à San Luis, une ville à l’ouest de l’Argentine, et cela a été très fort pour nous d’y participer.
Marie : C’est exceptionnel ! La réunion de milliers de femmes, lesbiennes et personnes aux « identités dissidentes » venues des quatre coins de l’Argentine pour échanger des vécus et des idées. Elles s’auto-organisent et participent à une centaine d’ateliers sur des thèmes extrêmement variés comme l’éducation, les sexualités, la santé, le racisme, l’environnement pour n’en citer que quelques-uns.
Mariana : La particularité de cette année résidait dans la dimension plurinationale et la reconnaissance de la place des femmes autochtones d’Argentine, particulièrement affectées par la domination patriarcale et capitaliste, mais aussi dans la visibilité particulière donnée aux identités LGBTQI+. Une façon d’inscrire définitivement ces rencontres dans une perspective intersectionnelle.
Comment et pourquoi s’est formé votre groupe ? Comment avez-vous ressenti la nécessité en tant que Française vivant en Argentine de vous organiser ?
Mariana : Nous avons créé le groupe pendant le confinement car nous étions particulièrement attentives à l’augmentation des violences domestiques. Inspirées par les dispositifs de certaines organisations communautaires argentines pour accompagner les victimes, il nous est apparu indispensable de créer un espace pour pouvoir échanger dans notre langue maternelle. Notre groupe est né d’un besoin : oui, les violences patriarcales et LGBTIphobes continuent d’exister en France comme en Argentine.
Pauline : Il s’agit d’un groupe francophone qui s’adresse aux Françaises, aux Franco-argentines, ou à d’autres nationalités transgenres ou cisgenres qui résident en Argentine. Nous nous organisons pour nous former sur des thématiques féministes et LGBTQI+. Ce groupe a aussi pour but de soutenir chacune de nos membres dans des situations où elles pourraient être victimes de la violence de genre.
Marie : Nous tenons au terme de « solidarité » car nous considérons que nous sommes toutes confrontées à la domination patriarcale : bien entendu, à des degrés différents et sous des formes variées. Nous collaborons aussi régulièrement avec nos sœurs argentines ou migrantes pour imaginer ensemble comment faire tomber le patriarcat !
Le groupe SoliFem fait partie du Collectif Solidaires, qui depuis l’année dernière a une élue conseillère des Français de l’Étranger en Argentine. Comment votre engagement féministe se reflète-t-il dans ce mandat ?
Pauline : Lorsque nous avons présenté une liste pour les élections consulaires, il était évident que les questions de genre devaient occuper une place importante dans nos propositions. Il y a encore beaucoup à faire pour que les politiques liées aux Français de l’Étranger prennent en compte ces questions. Par exemple, il n’y a pas de dispositif spécifique qui prenne en charge les personnes victimes de violence de genre à l’étranger.
Mariana : Aussi, et c’est peut-être le plus important, je crois que le féminisme nous invite à reconsidérer radicalement notre manière de faire de la politique. Les pratiques traditionnelles, centrées sur le pouvoir personnel, reflètent une logique patriarcale.
Marie : À notre petite échelle, nous essayons d’expérimenter d’autres pratiques en exerçant ce mandat de manière rotative, collective et horizontale. C’est aussi une manière de vivre nos convictions féministes.
Cet article est extrait du 207e numéro de Français du Monde : « Femmes engagées : de la résilience au combat », disponible gratuitement dans la rubrique « Magazine » du site Internet.