Établissement singulier dans le paysage international, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) est la plus importante structure de recherche archéologique en Europe. Il compte aujourd’hui 2300 collaborateurs et est doté d’un budget de 175 M€. 50 000 opérations archéologiques ont été menées en France métropolitaine et ultramarine en 20 ans. La naissance de l’INRAP représente l’aboutissement d’un long processus de prise de conscience patrimoniale et de recherche d’une conciliation entre les exigences de l’aménagement du territoire et de la protection du patrimoine archéologique.
Au XXème siècle, les destructions de vestiges causées par les aménagements se sont multipliées jusqu’aux grands scandales des années 1960 (place de la Bourse à Marseille, parvis de Notre-Dame à Paris). Il faut cependant attendre les années 1980 pour voir apparaître l’archéologie préventive au moins dans son principe de financement, avec les premières grandes fouilles du métro de Lyon en 1980 et du chantier du Grand Louvre en 1982.
Dans la décennie suivante, les fouilles préventives deviennent 90% de l’activité archéologique en France, sans caractère systématique, ni anticipation suffisante. La promulgation d’une loi devient urgente, non seulement pour arrêter les destructions de sites archéologiques qui défraient régulièrement la chronique depuis deux décennies (« trou des Halles », Bercy, Rodez,…), mais aussi pour pérenniser la chaîne scientifique de l’archéologie préventive. Fin 2000, c’est l’adoption par le Parlement de la loi sur l’archéologie préventive. L’Institut national de recherches archéologiques préventives est mis en place le 1er février 2002, deux semaines avant l’une des plus importantes découvertes archéologiques de la décennie, l’exhumation de huit cavaliers gaulois inhumés avec leurs chevaux.
La nouvelle loi, en assurant que tous les travaux intègrent en amont la nécessité de détecter, d’étudier et de protéger les vestiges, est à l’origine d’une mise en valeur sans précédent du patrimoine archéologique des territoires. Chaque année, ce sont en effet quelque 600 à 700 kilomètres carrés de sol qui sont retournés par des travaux d’aménagement, dont 8 % sont soumis à un diagnostic archéologique et 20 % de ces 8 % font l’objet d’une fouille. L’archéologie préventive se met en place autour de nouvelles formes d’intervention, qui changent l’échelle du site et mettent au jour des occupations dans leur totalité : campements préhistoriques, villages néolithiques ou protohistoriques, oppida, villes, mais aussi leurs abords, villae, grandes nécropoles, chemins, parcellaires, cultures, sites de boucherie, d’abattage, de collecte de matières premières, ateliers, industries, etc. Le changement d’échelle de la fenêtre d’étude et du volume des opérations (2500 par an) a entraîné l’expansion en de multiples directions de la discipline. L’archéologie est devenue interdisciplinaire et multiscalaire. Ce décloisonnement a repoussé également les limites chronologiques de la discipline, d’abord au Moyen Âge, puis aux périodes moderne et contemporaine (dont les vestiges sont rencontrés de manière quasi permanente sur les terrains). Une autre spécificité de ces fouilles nouvelles est le caractère aléatoire des lieux d’intervention, dépendant uniquement des projets d’aménagement. Ainsi, à la différence des opérations programmées, l’archéologue ne choisit pas son terrain et les fouilles sont, de ce fait, propices à des découvertes inattendues et exceptionnelles, par leurs retombées scientifiques ou par le spectaculaire des vestiges, comme par exemple, la nécropole romaine de Narbonne en 2019.
L’archéologie préventive, par les travaux d’aménagements, nous relie, en tant que citoyen, au territoire et à la collectivité et a permis un considérable essor des connaissances sur l’histoire des territoires aux secteurs ruraux en passant par les zones périurbaines, des chantiers aux musées. Ce sont au total plus de 12 millions de visiteurs qui ont été sensibilisés à l’archéologie par les actions de l’Inrap au cours de ces 20 dernières années (hors web). Le patrimoine archéologique n’est plus uniquement associé à des architectures solides et monumentales, aux « beaux » objets et « trésors » des élites du passé, mais s’est étendu à tous les artéfacts et écofacts qui, du moment qu’ils racontent le passé d’une collectivité ou d’un territoire, sont devenus dignes non seulement d’étude, mais de rejoindre les collections et les dispositifs de musées, lesquels se sont donnés désormais pour mission de raconter la construction des territoires.
Pour en savoir plus :
- Vingt expositions labellisées « 20 ans de l’Inrap ».
- Galerie muséale virtuelle de l’Inrap (avec une version adaptée au jeune public)
- Sept Archéocapsules (expositions légères) circuleront sur tout le territoire : Archéologie de la santé (On n’est pas les premiers à prendre soin des autres), des migrations (L’humanité, une longue histoire de migrations), de l’alimentation (Manger et boire, c’est toute une histoire), de l’esclavage colonial (De sucre et de sang), de l’aménagement du territoire (Homo aménageur), des gestes funéraires (Le monde des morts) et du bâti (Ce que nous murmurent les murs).
- La Fabrique de la France, 20 ans d’archéologie préventive ( Inrap – Flammarion)