La crise de la Covid-19 a mis en lumière certains aspects parfois très négatifs de l’expatriation, entre autres la situation de nombreuses femmes qui se retrouvent dans une situation de violence intrafamiliale dans un pays étranger dont elles ne maîtrisent ni la langue, ni les codes, et qui ne savent pas vers qui s’orienter. Qui plus est, ces femmes sont souvent financièrement dépendantes de leur conjoint. C’est le cas de nombreuses Françaises, en général avec des enfants, un peu partout dans le monde. Dans le cadre de mon mandat d’élue à l’Assemblée des Français de l’étranger, j’ai interpellé la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire du MEAE et sa réponse confirme effectivement que : « Depuis le début de la crise sanitaire, le nombre de cas de violences faites aux femmes (et plus particulièrement de violences conjugales à l’égard de nos compatriotes hors du territoire national) signalés à ce ministère, est en très nette augmentation. Tous les pays et toutes les zones géographiques (y compris l’Europe) sont concernés ».
La DFAE annonce la mise en place d’un certain nombre de mesures visant à apporter un soutien efficace aux personnes concernées, notamment la sensibilisation et la formation des personnels consulaires à ces situations, mais aussi un partenariat avec un centre d’hébergement d’urgence en région parisienne et enfin la mise en ligne, sur les sites Internet des consulats, d‘une rubrique spécifiquement dédiée à l’information des victimes de violences intrafamiliales, avec toutes les coordonnées utiles. Sur ce dernier point, force est de constater une mise en application très lente et très hétérogène.
C’est d’ailleurs ce que confirme sur le terrain Isabelle Tiné, une Française, elle-même ex-expatriée, qui gère depuis novembre 2016 le groupe Facebook « Expats nanas séparées divorcées », qui compte à l’heure actuelle plus de 900 membres. Depuis le lancement du groupe, et encore plus depuis le début de la crise de la Covid, elle ne cesse d’alerter la communauté française, les élus consulaires, les parlementaires et même le gouvernement pour exiger des solutions pragmatiques et efficaces aux situations souvent dramatiques et urgentes qui lui sont exposées. Elle fait également appel aux réseaux pour donner l’alerte et dénouer une situation urgente. Ainsi, il peut lui arriver d’appeler des élus consulaires au beau milieu de la nuit pour demander d’intervenir auprès d’une femme en danger à l’autre bout du monde.
Les séparations douloureuses qui vont fréquemment de pair avec de la violence économique et financière et les violences physiques (sur les femmes et/ou les enfants) touchent toutes les catégories socio-professionnelles, y compris les milieux d’affaires ou les cercles diplomatiques. Difficile, voire impossible, dans ces cas de s’adresser au consulat ou même de trouver de l’aide
au sein d’un microcosme où tout le monde se connaît et où l’omerta est souvent de mise. À ce stade, il manque donc des passerelles entre la société civile et les institutions ou les professionnels de l’accompagnement. Une cellule d’urgence composée de spécialistes de l’expatriation et de l’accompagnement des victimes déconnectées du réseau diplomatique local et aisément joignable pourrait constituer une piste de solution.
En attendant, des associations telles que France Victimes peuvent apporter une aide, mais cette ressource n’est pas encore assez connue. De même, on constate une nécessité de maillage et de coordination plus étroits sur ces sujets entre les différents acteurs (administration, élus, associations) des communautés françaises à l’étranger
Enfin, il est regrettable que tant de personnes se lancent dans l’expatriation dans le sillage d’un conjoint, sans s’informer préalablement du droit de la famille local et des éventuels écueils, sans assurer leurs arrières, notamment sur le plan légal et financier. Partir en connaissance de cause devrait être une démarche préalable à toute expatriation, surtout lorsque celle-ci entraîne une situation de dépendance. À cet égard, on peut déplorer que les dossiers pays d’expatriation du site du MEAE contiennent très peu, voire aucune information, sur les problématiques locales en lien avec la vie conjugale et familiale et la situation des femmes. Le sujet doit être traité avec beaucoup de sensibilité, au cas par cas et en fonction du pays. L’information avant le départ à l’étranger pourrait être plus détaillée et plus ciblée. Enfin, les personnels consulaires doivent être correctement et régulièrement formés à traiter ces problématiques.
Anne Henry-Werner,
Conseillère à l’Assemblée des Français de l’Étranger
Contact pour les victimes accessible hors France métropolitaine :
+33 (0) 1 80 52 33 76 |
Source : Français du monde N°204 : Représenter les Français de l’étranger