Si les questions de violences conjugales semblent être considérées de plus en plus sérieusement sur le territoire national, les Françaises expatriées semblent passer sous les radars lorsque l’on aborde le sujet. Exclues des statistiques, ces femmes sont pourtant également confrontées à la violence, notamment durant cette période de pandémie qui désinhibe les comportements abusifs tout en restreignant l’accès aux structures d’aide.
Les expatriées, exclues de la lutte contre la violence sexiste
Il est aujourd’hui difficile de savoir combien de femmes françaises expatriées aux Pays-Bas ou ailleurs sont concernées par ce problème puisque les statistiques officielles n’incluent que les femmes vivant sur le territoire français. Jusqu’à maintenant, aucun dispositif global n’a été pensé pour répondre aux besoins des expatriées victimes de violences sexistes et les femmes disposent de ressources très inégales d’un pays à l’autre puisqu’elles sont dépendantes des services consulaires et des associations locales (quand elles existent).
Constatant une augmentation dramatique des violences domestiques chez les expatriées comme ailleurs, les sénatrices Claudine Lepage et Joëlle Garriaud-Maylam se sont emparées de la question afin de réfléchir à des solutions pérennes, comme par exemple la formation en amont des agents consulaires ou le renforcement du réseau associatif dédié.
L’expatriation : un risque accru d’isolement
Si l’expatriation est souvent vécue comme un défi et une expérience de vie enrichissante, elle peut parfois être synonyme d’isolement. Or, l’isolement est une des armes privilégiées des tyrans domestiques qui l’utilisent pour régenter la vie de leur conjointe, sans que celle-ci ait quelqu’un vers qui se tourner pour obtenir du soutien.
Aujourd’hui, le schéma de l’épouse qui suit son mari fraîchement promu ou embauché est encore largement répandu. Bien souvent, l’épouse arrive dans un nouveau pays qu’elle ne connaît pas et dont elle ne maîtrise ni la langue, ni les codes. Sans famille, sans réseau et sans promesse d’embauche préalable, elle ne peut compter que sur les revenus de son conjoint pour subvenir aux besoins de toute la famille. Si cette configuration peut parfaitement convenir à des foyers dits « sains », elle piège les victimes d’abus domestiques en les rendant dépendantes financièrement et administrativement de leur conjoint violent.
La difficulté de parler en milieu clos
Il arrive souvent qu’après plusieurs années d’expatriation, le couple soit parvenu à se constituer un réseau et soit bien intégré dans la communauté française locale. On pourrait alors penser que cet effet communautaire romprait l’isolement de la victime et la pousserait à trouver le soutien nécessaire, or, c’est souvent l’inverse qui se produit. Dans des petites communautés où tout le monde se connaît, la victime n’ose pas parler par honte, peur de ne pas être crue ou encore crainte que ses propos soient rapportés à son agresseur. D’où l’importance de proposer aux femmes concernées des dispositifs qui garantissent une confidentialité totale.
Tous les pays ne sont pas égaux dans la lutte contre les violences sexistes
Une victime de violences conjugales, même en trouvant la force de parler, est dépendante des législations en vigueur dans son pays d’accueil et du réseau associatif français local. Certains pays, comme la Russie, ont dépénalisé les faits de violence conjugale, ce qui rend toute poursuite judiciaire à l’encontre du conjoint violent quasiment impossible. Il existe également beaucoup de pays où les visas des épouses et des enfants dépendent encore de celui du père. Sans l’accord de celui-ci, ils ne peuvent simplement pas quitter le territoire.
Aux Pays-Bas, malgré une politique de lutte contre les violences sexistes relativement efficace, une mère qui ne partage pas son nom de famille avec ses enfants n’est pas autorisée à quitter le pays sans autorisation signée du père. Cette loi, permettant de prévenir le rapt parental, se retourne contre les victimes expatriées tentant de fuir en France avec leurs enfants.
La violence conjugale pendant le confinement
L’Office Mondial de la Santé Europe a fait état d’une hausse de 60 % des signalements de violence durant le premier confinement en avril 2020. Cela ne signifie pas nécessairement que le nombre de conjoints violents a augmenté, mais que les conséquences de la situation sanitaire (confinement, stress, précarisation) ont amplifié des situations déjà critiques.
Les femmes expatriées ne sont pas en reste, et on estime que les signalements soumis entre mars et juin 2020 correspondent au nombre de signalements d’une année entière « classique ». Confrontées aux mêmes problématiques que leurs paires vivant sur le territoire français, les victimes ont dû affronter un confinement avec un conjoint d’autant plus violent puisque lui-même soumis au stress et à la pression de la crise Covid.
Une limitation des solutions d’urgence en temps de crise
Non seulement les victimes ne peuvent plus profiter de leurs moments de répits habituels (espaces de travail hors du domicile, activités à l’extérieur…) mais elles doivent également affronter les conséquences de la crise sanitaire lorsqu’il s’agit de trouver de l’aide : les services consulaires ne sont plus joignables que par téléphone et les moyens de transports sont limités, voire inexistants et beaucoup moins fiables qu’à l’accoutumée. De plus, il est obligatoire de présenter un test PCR négatif pour se rendre en France, or ces tests sont coûteux et peuvent représenter une difficulté logistique supplémentaire pour une femme – parfois accompagnée de ses enfants – qui doit agir vite. Si la femme parvient tout de même à rentrer dans son pays, l’accueil sur place n’est pas garanti, toujours en raison de la crise COVID qui restreint les places d’urgences et les mesures d’accueil aux victimes.
Chloé Genovesi, section des Pays-Bas
Pour aller plus loin :
Violences conjugales et femmes expatriées, la double peine : https://information.tv5monde.com/terriennes/violences-conjugales-et-femmes-expatriees-la-double-peine-363974
Sur le bilan de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants au sein de la famille : conséquences du confinement, défis du déconfinement : http://www.senat.fr/rap/r19-597/r19-5973.html