Stéphanie Hericher réside depuis trois ans avec sa famille à Kuala Lumpur, en Malaisie, après avoir passé presque vingt ans en Chine. Originaire de Normandie, elle nous raconte son parcours et partage ses impressions.
Son goût pour l’étranger
Issue d’une famille d’ouvriers normands, Stéphanie s’est toujours intéressée aux voyages de son oncle, très actif au sein de l’Action catholique ouvrière, qui représente un catholicisme social prônant des valeurs de partage et d’humanité. Son esprit curieux l’incite à faire des études de commerce au Havre, tout en apprenant le chinois, ce qui lui permet de décrocher un travail à Hangzhou (10 millions d’habitants) pour une entreprise française en 1997. La vie dans les grandes villes chinoises est passionnante, mais Stéphanie souhaite découvrir également celle de la campagne. Elle tente une nouvelle aventure dans la province du Sichuan : travailler dans une ferme d’élevage de canards. Elle vit comme les habitants, parfois sans eau, sans électricité, sans chauffage et sans intimité. La dureté des conditions est à la fois liée au climat et à l’absence de services basiques, conditions qui ont aussi un impact négatif sur les relations familiales. Pendant son séjour, elle constate que la petite fille de la famille chez qui elle réside, doit loger chez sa grand-mère à 300km de chez elle, pour pouvoir se rendre à l’école, la privant ainsi de la vie avec ses propres parents.
Cette expérience singulière est enrichissante au niveau personnel, mais suite au bombardement de l’Ambassade de Chine en Yougoslavie, en mai 1999, elle subit plusieurs interrogatoires par la police chinoise – la France faisant partie de l’OTAN – qui l’incitent à rentrer, constatant ainsi que « même au fond de la campagne chinoise, on reste lié au reste du monde ».
A son retour en France, elle se sent naturellement un peu décalée et saute sur l’occasion quand une entreprise de transport locale lui propose de la former pendant deux ans pour qu’elle aille ensuite ouvrir un bureau à Shanghai.
L’engagement au sein de Français du monde-adfe
Au bout de quelques années, le débat politique lui manque et puisqu’en Chine, les associations étrangères sont interdites, Stéphanie décide, avec un groupe de compatriotes, de monter une section Français du monde-adfe, qui se réunit principalement à domicile. Lors d’un voyage professionnel au Japon, elle rencontre son mari, journaliste marseillais, et après plusieurs allers-retours, il décide de la rejoindre en Chine en 2010.
Conseillère consulaire
En 2014, pour les élections des conseillers consulaires, elle se mobilise avec Laure Pallez autour des thèmes importants pour les Français de l’étranger, ce qui permet à Laure d’être élue conseillère Français du monde-adfe à Shanghai, malgré la difficulté à motiver la communauté. En 2008, Stéphanie est élue sur la liste Français du monde-adfe au Conseil d’administration de la Caisse des Français de l’Etranger (CFE). Plus jeune élue, elle s’attache avec les autres membres de l’association à défendre des mesures solidaires et des changements notamment pour les Français de l’étranger. En effet, compte tenu de l’évolution sociologique des Français établis hors de France, on constate qu’il y a moins d’expatriés à proprement parler, et davantage de Français recrutés localement.
La Malaisie
En 2017, elle décide avec son mari de quitter la Chine, où la pollution est extrêmement présente, afin d’offrir un cadre de vie plus sain à toute sa famille. La Malaisie est un pays multiracial puisque les habitants sont d’origine malaise, chinoise et indienne, et ce brassage plutôt pacifique en fait un pays « confortable ». La présence de la communauté française est liée principalement aux activités en relation avec les ressources nationales en pétrole et gaz, et l’aérospatiale. Il existe une association de parents d’élèves liée au lycée français (conventionné) de Kuala Lumpur, lycée Henri Fauconnier du nom de l’écrivain français qui y vécut et gagna le prix Goncourt pour son livre intitulé Malaisie. En revanche, pas de section Français du monde-adfe ce à quoi Stéphanie cherche à remédier dans ce pays où le brassage de populations est un art de vivre, mais où la loi interdit aux étrangers de demeurer dans le pays s’ils n’ont plus d’emploi et s’ils sont retraités, situation commune à plusieurs pays d’Asie d’ailleurs.
Malgré cette longue expatriation, Stéphanie a conservé sa capacité d’émerveillement non seulement des lieux – les plages magnifiques de Malaisie – mais également de l’organisation des pays, loin des stéréotypes. Elle cite volontiers le fonctionnement asexué de la Chine qui confère une égalité des sexes et libère du jugement sur le genre. Elle note d’ailleurs que les grandes entreprises n’hésitent pas à embaucher des cadres femmes que leur conjoint suivra, ce qui n’est pas si commun dans d’autres régions du monde.
Elle reconnaît aisément éprouver une sorte de fascination pour une forme de discipline citoyenne faite de pragmatisme, même si le modèle est radical. Elle apprécie également la bienveillance envers les enfants et la place des anciens dans la société.
Toujours engagée dans la défense des droits de ses compatriotes autour des valeurs républicaines, Stéphanie mènera une liste de conseillers pour les Français de l’étranger en mai prochain, qui inclura un représentant à Bornéo qui a des caractéristiques différentes du continent ; une liste basée sur des thèmes tels que l’accès à l’enseignement français, à la CFE et à l’entraide professionnelle, autant de sujets qui renvoient à ce principe de solidarité qui lui tient à cœur depuis toujours.
Propos recueillis par Florence Baillon