Accueil 5 Emploi 5 Des entrepreneurs français installés à l’étranger face à la crise du COVID-19 : le questionnaire à destination des PME et microentreprises françaises installées à l’étranger 

Lors de la 33ème session de l’Assemblée des Français de l’étranger, Gaëlle Barré, conseillère consulaire et membre du Bureau National de Français du monde-adfe, a illustré les résultats de l’enquête conduite par notre association à destination des entrepreneurs français installés à l’étranger. Cette présentation s’est déroulée lors d’une audition commune avec la Commission du Commerce extérieur et des Finances afin de réfléchir sur les aides possibles à mettre en place en faveur des petits entrepreneurs français à l’étranger frappés de plein fouet par cette crise mondiale inédite.

Etat des lieux

Face aux témoignages de difficultés économiques d’un grand nombre de ses adhérents parvenus depuis fin mars 2020, l’Association Français du monde-adfe a souhaité dès les premières semaines de la crise de la Covid-19, faire un premier état des lieux en lançant une enquête spécifique – auprès de nos adhérents ainsi qu’à l’ensemble des Français de l’étranger. Ce questionnaire s’adressait aux détenteurs de sociétés de droit local à l’étranger, fondées ou détenues en majorité par des citoyens de nationalité française basés à l’étranger. Un questionnaire ciblé a été rédigé puis mis en ligne sur les mois de mai et de juin 2020, ainsi qu´un envoi sur la Liste Electorale Consulaire.

203 réponses avec témoignages, en provenance de plus de 66 pays, ont été recueillies sur la période, auprès d’artisans, de commerçants, d’auto-entrepreneurs, de propriétaires de micro-entreprises et de PME hors de France. L’analyse de ces retours du terrain nous permet de mieux connaître les difficultés auxquelles sont confrontées nos entrepreneurs – dont plus de 70% dans cette enquête sont installés à l’étranger depuis plus de cinq ans. Elle nous permet aussi de réfléchir à des propositions et des outils pouvant être mis sur pied pendant cette crise. L’analyse met en lumière la grande diversité des contraintes rencontrées par les entrepreneurs, la disparité de leurs situations mais aussi, le plus souvent, la gravité du contexte.

Les entrepreneurs qui ont répondu à notre enquête ont été fortement impactés par la crise de la Covid-19, ils sont résilients, mais demeurent cependant dans l’incertitude. 92,6% soulignent une baisse de leurs activités, 35% sont incertains quant à l’avenir de leur entreprise et ne savent pas encore s’ils rentreront en France, alors que seuls 15% des Français de l’étranger envisageaient un retour en France, selon notre enquête du Baromètre des Français de l’étranger.

Pour rappel, le Baromètre 2019 a été réalisé sur un volume de 16.0000 personnes sondées : – 64 % vivent à l’étranger depuis plus de 10 ans et 36% depuis plus de 20 ans. 1 personne sur 2 exprimait des préoccupations par rapport à son statut de Français de l’étranger, notamment pour ce qui concerne la retraite, la santé et l´éducation.

Majoritairement en provenance de pays non européens, ces entrepreneurs témoignent de leur isolement et de l’absence d’aide. En effet, 68% déclarent de pas être entrés en contact avec les services économiques français (Business France, Ambassade, CCI…) et 85,7% ne bénéficient pas d’aide dans leur pays d’accueil.  Leurs témoignages mettent en lumière les disparités d’un pays à l’autre tel que cet entrepreneur mexicain qui rapporte : « Frustré de voir qu’en France l’état soutient de différentes manières les TPE, même si cela ne garantit pas automatiquement la survie de toutes ces entreprises, car ici au Mexique, il n’y a aucune aide ».  Ou encore cet entrepreneur en Chine : « J’ai monté une école d’art à Pékin en 2012 (…). J’ai dû fermer sur ordre du gouvernement et je n’ai jamais pu réouvrir. N’ayant bénéficié d’aucune aide ou soutien, j’envisage de rentrer en France avec mes 3 enfants, pays que j’ai quitté il y a 14 ans et où je n’ai rien.»

 Des propositions

Les entrepreneurs français établis à l’étranger participent à l’activité économique française et à son rayonnement. Ils doivent être intégrés aux dispositifs du commerce extérieur de la France et aux mesures de soutien pour les entreprises françaises victimes de la crise.

Combien de pertes d’emplois, de pertes de visas de résidence, d’obligation de retour en France ? De situations de détresse dans les nombreux pays où le filet de l’aide sociale pour les sans emploi est généralement limité ?

Prenant la mesure de l’impact économique de la crise sanitaire, le gouvernement français a élaboré un dispositif de soutien aux entreprises pour couvrir trois mois de chiffres d’affaires et garantir leur trésorerie. Après la mise en place en avril 2020 d’un plan d’urgence de soutien aux entreprises exportatrices, de nouvelles mesures sont proposées pour renforcer la force de frappe des PME-ETI françaises à l’export, dans le contexte de la reprise d’activité et de concurrence étrangère accrue.

Les filiales d’entreprises françaises à l’étranger pourront donc bénéficier directement ou indirectement de ces dispositifs, mais les entrepreneurs français ayant fondé une société sans lien avec une entreprise immatriculée en France, n’y auront pas accès.

La sénatrice Claudine Lepage a posé une question écrite en avril dernier au Ministre de l’économie et des finances en lui proposant des solutions pour que l’État français soutienne ces entrepreneurs. La réponse qui a été apportée très récemment ne va malheureusement pas dans ce sens : si le gouvernement est « attentif » aux difficultés rencontrées par les entrepreneurs français établis à l’étranger, il ne souhaite pas élaborer et mettre en œuvre un dispositif de soutien exceptionnel.

Selon nous, pour les aider à surmonter les effets de la crise, il serait donc nécessaire de mettre en place des mesures exceptionnelles et dérogatoires et sauvegarder ce maillage construit depuis plusieurs années que forme l’équipe France de l’export.

Face à la crise que traversent ces entrepreneurs français implantés à l’étranger, il est important d´associer les entrepreneurs français de l’étranger aux dispositifs de solidarité nationale mis en place en France, de les valoriser et de faire jouer les solidarités sur le terrain. La création d’un fond de solidarité à destination des micro-entrepreneurs français à l’étranger en période de crise serait à encourager. C’est justement pour passer ce cap, en particulier sur le plan de la trésorerie des entreprises, qu’une action de solidarité nationale doit être pensée au plus vite.

Il faut également mobiliser les ressources françaises à l’étranger par les services économiques régionaux et la mise en place de plateformes d’entraide « task force » articulées autour des ambassades et des consulats avec l’appui des structures locales « françaises » d’aide à l’entrepreneuriat (CCI, Business France, French Tech, Business France, associations de droit local…) afin de mieux les orienter sur les aides locales dans leur pays d’accueil et les guider dans leurs démarches. Face à la méconnaissance de ces petites structures par les institutions françaises et inversement, le manque d’information de ces petits entrepreneurs quant aux ressources dont ils pourraient disposer pour leur venir en aide, est notoire.  L’immatriculation et la reconnaissance du statut d’entreprise française à l’étranger, au travers d’une inscription à un registre auprès des ambassades et selon des critères à définir, s´avèrent nécessaire ; et enfin leur garantir les prêts que les établissements financiers français ou étrangers pourraient consentir au titre d’avance sur trésorerie, par le biais de la BPI plus particulièrement, en retenant parmi les critères de ciblage l’importation de produits français, ou encore l’emploi de ressortissants français ou tout simplement la nationalité des fondateurs (actuellement, la BPI ne peut accorder de telles garanties puisqu’aucun lien n’existe avec une société immatriculée en France).

Ne rien faire mettrait en difficulté supplémentaire un grand nombre d’entrepreneurs qui constituent pour une bonne part les composantes de l’Équipe de France de l’export.

Tout faire pour aider nos entrepreneurs établis hors de France à surmonter les effets de la crise sanitaire sur leur entreprise, c’est le sens des propositions faites par le groupe Français du Monde – Écologie et Solidarité à l’Assemblée des Français de l’Etranger.

Résultats-questionnaire-aux-entrepreneurs

Gaëlle Barré, conseillère à l’Assemblée des Français de l’étranger et membre du Bureau national de notre association

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