1974, j’ai 20 ans à Paris et un emploi d’assistante commerciale. Fréquentant le Quartier latin, j’y rencontre mon futur compagnon, étudiant en pharmacie. Il est tunisien. Après avoir vainement tenté de trouver un emploi dans un environnement professionnel où son nom et sa nationalité sont peu vendeurs, il part en Tunisie où il est attendu pour créer une officine dans un pays où les besoins dans le secteur de la santé sont nombreux. Je le rejoins deux ans après, et trouve un emploi dans le secteur touristique.
Bien intégrée dans un environnement familial et social accueillant, refusant de m’inscrire dans un communautarisme franco-français, à l’aise dans un pays largement francophone à l’époque, je reste longtemps éloignée des associations de Français à l’étranger, même après la naissance de mes deux enfants. L’élément déclencheur fut l’accès difficile de mes enfants au système scolaire français. Peu après, je répondis positivement à la sollicitation de membres du club de marche de l’ADFE. C’était parti ! Présidente durant sept ans de ce qui deviendra Français du monde-adfe Tunisie, avec la création en 1981 d’un journal envoyé à tous les Français résidents et publié régulièrement jusqu’en 2010.
En 2009, la Tunisie est le seul pays qui voit l’élection de trois femmes conseillères à l’AFE, dont je fais partie. En 2014, je suis élue conseillère consulaire pour la Tunisie et la Libye, puis à l’AFE pour l’Afrique du Nord. En 2016, je suis honorée de recevoir la Légion d’honneur, mais surtout étonnée d’être récompensée par la nation pour des services que nous sommes, de par le monde, nombreux à rendre ; c’est pourquoi cette distinction fut symboliquement partagée avec les militants de Français du monde-adfe Tunisie.
Au fil des années, les questions auxquelles nous sommes amenés à répondre deviennent de plus en plus complexes, au-delà des questions de base et de l’information, avec la mobilité, les parcours de vie sur plusieurs pays, la diversité des législations nationales. Même si les informations sont disponibles sur internet, elles ne sont pas toujours aisées à trouver. Les communautés évoluent aussi : nous sommes plus de 30 000 aujourd’hui, dont presque 70 % de double nationaux, et beaucoup n’ont plus une parfaite maîtrise de la langue française.
Alors, experts les conseillers ? Certes pas. Nous sommes à la fois SOS-dépannage et assistante sociale. Tous les aspects de la vie de ressortissant français hors de France sont abordés. Tous ne sont pas anecdotiques et recouvrent le plus souvent des situations difficiles et de plus en plus de fragilité sociale.
Le défi de la prochaine échéance ? Continuer. A accompagner, défendre, aider, renseigner, soutenir nos compatriotes. Résister. Rester fidèles à des engagements de gauche, justice sociale, équité, lutte contre le désengagement de l’état, le démantèlement du service public, le détricotage de nos systèmes de protection sociale. Avancer. Poursuivre le soutien à la société civile tunisienne et aux forces progressistes, quand elles sont engagées pour les droits humains et la préservation de l’environnement.
Martine Vautrin Djedidi
Extrait du magazine Français du monde n°200 : « Portraits de nos conseillers consulaires : un retour d’expérience sur leur mandat ».