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Les démons – Philippe Lesage

Editions Blaq out

http://www.blaqout.com/film/les-demons

 

Vous souvenez-vous de vos 10-11 ans ? Les évènements importants à vos yeux et surtout les émotions ? Le temps qui s’écoule lentement, absorbé comme on l’est dans tout ce qui se passe, l’hypersensibilité qui rend lucide : on sent ce qui se passe entre les grands, on découvre la sexualité, elle fait peur, on est même parfois un petit psychopathe en puissance mais on apprend à se socialiser, on affronte des peurs envahissantes et multiples, des petites choses ordinaires paraissent dramatiques…

C’est tout cela que l’on retrouve dans le film de Philippe Lesage : Félix a 11 ans, sa vie se déroule entre famille middle class, une fratrie unie et rassurante, l’école et les copains, et la piscine du quartier, un lieu important de sa vie et du film.  Il regarde le monde qui l’entoure, il s’en imbibe même. Il devine  le jeu trouble de son père avec la voisine, est lui-même troublé par la monitrice de sport, entend les grands parler d’affaires de viol, de kidnapping et de meurtre d’enfant, faisant naître en lui des peurs diffuses qui le soir l’empêchent de s’endormir…Avec un ami, il rejette puis tourmente un garçon de la classe en demande d’amitié et de jeux partagés ; des méchantes blagues ou des jeux plus pervers, pour railler la supposée homosexualité du petit… ce qui l’amène à se penser gay lui-même, à en avoir honte , et plus tard à croire même que forcément il a le sida ! … Dans son monde vit aussi un jeune surveillant de baignade, gentil et serviable avec tout le monde, mais dont la part d’ombre  entraînera le film dans le drame … Un peu comme si les peurs multiformes de l’enfant  pouvaient parfois être justifiées, comme si, alors que Félix mûrit, le moniteur n’a pas réussi à surmonter ses démons d’enfant.

Avec une bande-son remarquable, le film, toujours juste et délicat, nous invite à y glisser un peu de notre propre enfance !

Philippe Lesage a d’abord été un documentariste, plusieurs fois primé : il a filmé Alain Touraine et la vie des banlieues parisiennes (Pourrons-nous vivre ensemble ?  2006), puis les grands maux de notre société solitude et détresse psychologique à l’Hôtel Dieu de Montréal (Ce cœur qui bat, 2010), et aussi un groupe d’adolescents en été (Laylou, 2013). C’est dire que son regard est d’abord celui d’un observateur attentif  aux émotions, aux troubles de ses sujets, d’un entomologiste bienveillant et lucide. Qui a aussi toujours fait de la bande son de ses films un élément essentiel, enveloppant ou envahissant selon le cas.

Marie-Pascale Avignon-Vernet

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