Après 10 ans de vie en Italie, à Pérouse, Isabelle a décidé de rentrer en France avec ses deux enfants prise par l’épuisement d’une vie de famille très prenante et précaire. Ce fut sans compter l’action de son conjoint qui déposa plainte contre elle pour déplacement illicite d’enfant… Sa vie s’est depuis transformée en un combat de tous les jours pour garder ses enfants.
Dans quel contexte as tu pris la décision de rentrer en France avec tes deux enfants de 1 et 3 ans?
Un an après la naissance de mon dernier enfant, j’ai constaté qu’avec mon conjoint italien nous n’avions toujours pas mis en place les conditions d’une vie de famille sereine. Notre logement était isolé en pleine campagne, sans eau chaude, coupé du monde… je ne pouvais plus subvenir directement aux besoins de mes enfants, j’étais épuisée par mes deux grossesses, le moral alternait entre fatigue intense et découragement. Nous étions alors en plein hiver ; j’ai décidé, avec son accord, de rentrer en France chez mes parents le temps de me ressourcer et le temps pour lui de trouver un autre logement. Nous avons donc convenu d’un accord écrit devant un avocat me permettant de rentrer avec son autorisation en France pour six mois. Le temps pour lui de créer les conditions d’une vie commune.
Comment s’est passé le retour en France?
J’ai pu enfin souffler et m’appuyer sur ma famille. J’ai inscrit les enfants à l’école maternelle, étant moi-même domiciliée chez mes parents. La vie a repris normalement. Je retrouvais mes repères et souhaitais rester en France. Cinq mois après mon retour, je décida donc d’entamer une procédure de séparation depuis la France en demandant la garde partagée des enfants, sur les conseils d’un avocat. Dès l’annonce de ce fait, mon conjoint décida de porter plainte dans la foulée contre moi pour déplacement illicite d’enfant. Six mois ne s’étaient pas écoulés et la résidence habituelle des enfants restait en Italie. Des poursuites judiciaires à mon encontre étaient donc enclenchées ; le tribunal de grande instance m’a convoquée. La justice française m’a ordonnée le retour des enfants chez leur père. J’étais accusée de leur non-retour au domicile habituel et rendue coupable de soustraction d’enfants mineurs.
Quelles ont été les suites de cette décision de justice?
Accusée, je risquais que mes enfants me soient arrachés de force et de ne plus pouvoir les voir. D’autant plus que je n’avais aucune intention de priver les enfants de leur père. Je suis donc rentrée en Italie dans la précipitation, en voiture depuis Lille. J’ai dû amener mes enfants au domicile de mon conjoint tel que l’avait ordonné la justice. C’est à ce moment que j’ai réalisé que je perdais mes droits de garde sur eux. Le temps que la justice italienne se prononce sur le mode de garde. J’étais désemparée, ne pouvant plus faire valoir mes droits en tant que mère. J’étais la mère indigne qui avait arraché ses enfants à leur père… seul un accord à l’amiable avec mon ex conjoint était possible afin de continuer à voir mes enfants. Il y a un vide juridique sur cette question avant que la justice statut ; aucun moyen légal de faire valoir ses droits. Je me suis battue comme une lionne, en m’appuyant sur le consulat, le conseil consulaire, les associations et le réseau français en Italie pour trouver des solutions. Après 18 mois de séparation avec mes enfants, placés chez leur père, la justice italienne m’a accordée la garde alternée, avec autorisation de rentrer 3 mois dans l’année en France avec mes enfants ! Je n’aurais jamais dû entreprendre de me séparer de mon ex conjoint depuis la France, et suivre les mauvais conseils d’un avocat. Il fallait se séparer sur le sol Italien et partir le cas échéant avec l’accord du juge aux affaires familiales. Mes conseils aux femmes qui sont en difficulté dans un pays étranger avec des enfants et souhaitent se séparer : trouver un avocat expert su les modes de garde partagée dans les familles binationales, solliciter le soutien du consulat le cas échéant, avoir un peu d’épargne avant d’entreprendre ces démarches et ne pas rentrer en France dans la précipitation.
Gaëlle Barré