Accueil 5 L'association 5 Bosnie-Herzégovine : Les femmes de Višegrad de Jasmila Žbanić ( Page 3 )

Les femmes de Višegrad (For those who can tell no tales) – Jasmila Žbanić

Editions Blaq Out

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De la guerre en Bosnie (1992-95), on se souvient surtout de noms de villes, Sarajevo, Mostar… et du massacre de Srebrenica. Mais de Višegrad, les médias occidentaux n’ont jamais parlé, comme s’il ne s’y était rien passé….. Pourtant, au tout début de la guerre, l’horreur a régné, au vu et au su de tous, mais les victimes ne sont plus là pour raconter, et les témoins, voire les acteurs, se taisent, une sorte de paranoïa collective bloque la parole, et même le souvenir… Višegrad est une ville de la République serbe de Bosnie orientale, connue surtout par son vieux pont en pierre qui relie les deux rives de la Drina – mais aussi la Serbie et la Bosnie, l’Orient et l’Occident – où depuis le XVIe siècle cohabitaient, non sans déchirures, chrétiens, juifs, musulmans de Turquie ou  » islamisés « . Un roman d’Ivo Andric, prix Nobel de littérature, Le pont sur la Drina, l’a rendu célèbre.

Une actrice australienne (Kim Vercoe), en vacances en Bosnie, mais ignorante de ce passé qu’aucune plaque commémorative n’évoque d’ailleurs, découvre la ville ;  bizarrement elle  ne parvient pas à trouver le sommeil dans sa chambre à l’hôtel Vilina Vlas. De retour à Sydney, quelques recherches sur internet lui apprennent ce qui s’est passé dans cet hôtel pendant les deux premiers mois de cette guerre : transformé en camp de prisonniers et en « résidence de la mort », 200 femmes y ont été violées, torturées pendant des jours, tuées, parce qu’elles étaient musulmanes bosniaques, belles, jeunes et que leurs tortionnaires des milices serbes, voulaient ainsi effacer à travers elles 500 ans de domination ottomane sur la Bosnie…

Profondément bouleversée, elle apprend la langue et repart à Višegrad, car elle ne peut pas rester sans rien faire, sans essayer de comprendre, de savoir. Alors elle filme la ville, le pont où de nombreux habitants ont été tués, elle filme pour garder une trace puisque personne ne veut en parler, chacun préférant regarder ailleurs, ou même célébrer un « héros de la guerre », condamné par le tribunal de la Haye à son retour après sa libération… La Police locale ne voit pas d’un bon œil les déambulations de Kim, sa manie cinématographique et cherche à l’intimider, à la faire partir.

Kim trouvera une façon symbolique d’évoquer le souvenir de ces 200 victimes, de les célébrer et de nous rappeler que l’oubli des horreurs n’est pas acceptable et que le silence ne sert pas la paix. Au contraire il contient en germe les éléments de violences futures et d’embrasements inter-religieux.

Marie-Pascale Avignon-Vernet

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