Rizgar a rejoint la section Français du monde-adfe de Munich en 2012, et il a très rapidement conquis tous les cœurs par sa gentillesse, sa serviabilité et son engagement. Il porte pour la France, sa langue et sa culture, un amour et une admiration d’une intensité que l’on ne trouve pas toujours chez les « Français de souche », si facilement critiques, y compris envers eux-mêmes.
Discret, Rizgar se livre peu, et ce n’est que peu à peu, au gré des conversations, que j’ai pu découvrir son parcours.
Né il y a 50 ans dans la province d’Erbil, dans le Kurdistan irakien, Rizgar a grandi sous le joug du régime de Saddam Hussein. Les difficultés ont vraiment commencé lorsque, après avoir terminé ses études secondaires, le fanatique de football qu’il était (et est toujours) a voulu s’inscrire à l’université d’Erbil pour entreprendre le cursus afin de devenir professeur d’éducation physique. Cela lui a été interdit parce qu’il refusait d’adhérer au Baas, le parti de Saddam. Il a pu quand même s’inscrire à l’université, mais pour entamer des études de chimie, études qu’il a dû interrompre au bout d’un an, car il a été renvoyé de l’université en raison de son refus d’adhérer au parti. Il a été réintégré après quelques mois, et a décroché un diplôme équivalent à un DUT de chimie en France. Malgré ce diplôme, il n’est pas parvenu à trouver un travail, toujours pour la même raison : non appartenance au parti. Qui plus est, il refusait de faire son service militaire, ce qui bien évidemment n’arrangeait pas sa situation.
N’y tenant plus, il a décidé en 1999 de quitter son pays. Son but était d’aller en France, pays pour lequel, depuis son enfance, il avait une admiration sans bornes, et dont il a commencé à se familiariser avec la langue, en autodidacte, en écoutant des chansons françaises diffusées par la radio… rarement, car à côté de l’arabe, bien sûr, c’était l’anglais qui prédominait. Quand il le pouvait, il suivait les commentaires des matchs de football en français. Malheureusement, la France n’a pas voulu de lui, lui refusant un visa et le statut de réfugié politique, sans doute parce que, même si les relations diplomatiques entre les deux pays avaient été rompues à la suite de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein, les liens économiques demeuraient très importants.
Rizgar est donc parti pour l’Allemagne, il a atterri à Munich, où il a obtenu le statut de réfugié politique, assorti d’un permis de séjour à durée illimitée. A Munich, Rizgar a trouvé l’amour, celui d’une Française qu’il a épousée, et a, par ce mariage, acquis la nationalité française. On peut donc bien dire qu’il est devenu Français par amour de la France, et par amour tout court. L’amour au sein des couples, c’est bien connu, ne dure pas toujours : Rizgar a divorcé au bout de 15 ans, son amour pour la France, en revanche, est demeuré intact.
Nous avons rencontré Rizgar en 2012, à l’occasion d’un « Banquet républicain » organisé dans le cadre de la campagne électorale, avec Jean-Louis Bianco et Pierre-Yves Le Borgn’, alors candidat aux législatives. Tout de suite, il nous a séduits par sa gentillesse et sa modestie. Il a très vite adhéré à la section Français du monde-adfe Munich, où il n’a trouvé que des amis, défendant comme lui les valeurs auxquelles il croit depuis toujours et dont la négation l’avait conduit à quitter son pays.
Rizgar a quand même pu vivre en France pendant deux ans, à Agen, ville d’origine de son épouse, mais ne parvenant pas à trouver autre chose que des petits jobs, il est revenu à Munich et a réintégré l’hôpital où il travaillait avant son départ pour la France, non pas comme laborantin, poste qu’il occupait avant, mais comme brancardier.
Le rêve de Rizgar : s’installer en France, où il passe systématiquement toutes ses vacances, dans le midi. Encore faudrait-il que ce pays qu’il aime tant l’accueille, notamment qu’il puisse y trouver un travail. Là, aussi, il pourrait se livrer à sa grande passion (à côté du foot) : la pêche à la ligne, qu’il ne peut pas pratiquer en Allemagne où il est sinon impossible, du moins beaucoup plus difficile, d’obtenir un permis de pêche !
Philippe Moreau