Accueil 5 L'association 5 Décès de Marie-Hélène Beye

Notre association, Français du monde-adfe, est plongée dans une très profonde peine suite au décès de Marie-Hélène Beye, militante de toujours et figure immense de notre association au Mali. Tous ceux qui ont eu à connaître Marie-Hélène Beye savent combien sa disponibilité envers les autres, son dévouement pour venir en aide à nos compatriotes et les soutenir étaient sans limite.

Nous la pleurons unanimement et adressons à sa famille, à tous ses proches et à la section du Mali, dont nous partageons le chagrin, nos sincères condoléances.

Pour le Bureau national,
Gérard Martin, Secrétaire Général

Eloge de Marie-Hélène Beye par Monique Cerisier Ben Guiga

Marie-Hélène,

Au nom de Français du Monde-ADFE que je représente ici, ainsi qu’en mon nom propre, je suis venue te rendre hommage.

Au moment où la mort nous sépare de toi, je voudrais dire pourquoi tu vas rester si présente dans nos esprits et  dans nos cœurs.

Sur nous tous, ici rassemblés, ton empreinte est gravée.  Tu as vécu si intensément que tu as marqué  des milliers de gens, ceux qui ont eu le bonheur de vivre  dans ton orbite.

Combien de vies as-tu vécues en une seule ?

Née au cœur de la Bourgogne, toi, l’étudiante de Lettres, tu t’es métamorphosée à Bamako tout à la fois en professeur adulée de ses élèves et en mère de famille aimante et efficace.

Quelques décennies plus tard, en 1993, tu as été tout naturellement reconnue par la communauté française de la région sahélienne et, en particulier, par sa composante binationale, comme la personne la plus apte à la représenter à l’Assemblée des Français de l’Etranger à Paris. Toujours réélue, tu as rempli ce mandat pendant 21 ans.

Mère de quatre enfants, professeur de Lettres au lycée de Jeunes filles de Bamako puis au Lycée Liberté, élue de la région, cela ne suffisait pas encore !

Dès avant ta retraite de professeur – mais il n’y a pas de retraite pour une femme telle que toi – tu nourrissais le projet de créer une belle école malienne.

Tout était à faire : obtenir les autorisations, le permis de construire, élever les bâtiments. Une vraie course de fond hérissée d’obstacles.

Tu as triomphé de tout.

En 2008 ouvrait l’école Livia Lamoure, ainsi nommée en mémoire de ta mère qui t’avait suivie dans l’aventure malienne et avait, elle aussi, formé des générations de jeunes gens.

Aujourd’hui, ce sont huit cents élèves maliens du primaire et du collège qui bénéficient d’un enseignement et d’une éducation de haut niveau, sous ta direction et maintenant sous celle d’Awa qui a tant participé à la réalisation de ce beau projet.

Mais j’allais oublier que, tout en enseignant au lycée puis en créant l’école malienne Livia Lamoure, tu rédigeais des manuels scolaires pour les écoles publiques maliennes. La maison d’édition EDIM graphique Industrie avait trouvé en toi une auteure de talent qui était devenue au fil des années la correctrice des épreuves des manuels de toutes disciplines.

Oui, combien de vies en l’espace du seul temps que notre destin d’être humain nous concède sur terre ?

Quels traits de ta personnalité t’ont-ils permis d’atteindre un tel accomplissement ?

Telle que je l’ai connue en 1992, Marie-Hélène était une femme puissante : belle, de haute taille, le port altier, élégante sans effort ni recherche, elle impressionnait.

Sa dignité naturelle et chaleureuse inspirait le respect général : élèves, collègues français et maliens, adhérents de l’ADFE, du parti socialiste, diplomates français, fonctionnaires maliens, tous ceux qu’elle me faisait rencontrer lui témoignaient de la déférence.

Elle avait traversé les dures épreuves de la vie : l’éloignement du pays natal et l’adaptation au Mali, la lourde charge de mener sa maisonnée, de nourrir, habiller, éduquer quatre enfants sans aucune des facilités du confort d’aujourd’hui.

Puis elle avait connu en 1991 le chagrin d’un veuvage précoce qui la laissait seule pour élever Awa et la nièce de son mari, Bintou, tandis que les trois aînés entamaient leur vie adulte. Leur réussite faisait son bonheur. Elle me parlait toujours avec fierté de ses enfants, de Bintou et de tous ses petits-enfants.

Elle avait vécu de dures expériences et elle donnait l’impression d’en être sortie plus forte encore, grandie.

Comment Marie-Hélène a-t-elle pu accomplir un tel destin ?

Fondamentalement je crois qu’elle a su cultiver sa générosité naturelle et sa fine intelligence.

Arrivée à Bamako, elle a ouvert son cœur et son intelligence à sa famille malienne, au Mali, avec simplicité, et elle s’y est glissée. Et comme elle accueillait, elle a été accueillie. Au point qu’elle est devenue une figure de proue de la grande famille Beye.

C’est ainsi que Marie-Hélène, la bourguignonne, est devenue aussi malienne, solidaire du pays qui l’avait adoptée. Pour autant elle n’avait rien abandonné de sa personnalité profonde ni de la France qu’elle aimait et qu’elle avait toujours tant de bonheur à retrouver.

Sa générosité, qui n’en a pas bénéficié ?

Les neveux et nièces, accueillis dans la maison familiale de Bamako et, pour certains, telle Bintou, élevés comme un enfant de plus.

Les élèves. Et là, comment résister au plaisir de narrer des scènes vécues lors de mes visites à Bamako. L’ambassadeur de France ou le conseiller culturel me menaient en visite à des ministres et hauts fonctionnaires maliens en compagnie de Madame Beye, la conseillère consulaire.

La personnalité visitée ne voyait d’abord qu’elle et ne s’adressait qu’à elle : « Ah ! Vous vous rappelez, madame Beye, ma fille ainée. Elle est médecin maintenant. Et ma plus jeune, que vous avez eue aussi comme élève, elle est professeur. Elle vient d’avoir son second enfant » etc, etc. Une fois terminées ces effusions de remerciements pour le bon enseignement que Madame Beye avait dispensé aux uns et aux autres, notre hôte se décidait à se tourner vers le diplomate et la sénatrice et à les écouter.

La générosité de Marie-Hélène a aussi bénéficié à tous les compatriotes de sa circonscription qui sollicitaient son aide à toute heure. Marie-Hélène résolvait sur place tout ce qui pouvait l’être : les difficultés à constituer un dossier de bourse scolaire, d’aide sociale ou de rapatriement. Elle m’envoyait le reste : les innombrables problèmes d’état-civil générés par la négligence administrative des ascendants ou les erreurs des fonctionnaires, l’obtention des certificats de nationalité française et j’en passe.

C’est ainsi que Marie-Hélène Beye a été, des années durant, l’âme des institutions de la communauté française au Mali, animant la section Français du Monde-ADFE, celle du parti socialiste, la société d’entraide, le centre médico-social, sortant sa poigne de fer du gant de velours quand les circonstances l’exigeaient.

Tous ses engagements étaient parfaitement cohérents les uns avec les autres. Son adhésion au parti socialiste s’enracinait dans des convictions solides : primat de la justice sociale, rejet des discriminations ethniques et du racisme, refus du colonialisme. L ‘action associative, caritative, l’exercice du mandat électif étaient les déclinaisons concrètes de ses convictions.

Marie-Hélène rayonnait aussi d’intelligence, de curiosité, de culture. Tant que sa vue le lui a permis elle a beaucoup lu, comme sa mère Livia. Marie-Hélène aimait tout de la vie : les êtres humains, les bonnes choses, les belles choses, l’art, la musique, les beaux paysages. Elle aimait tant la vie qu’elle a lutté de toutes ses forces contre la maladie, avec le même courage que nous lui avions toujours connu.

Les décorations qui lui ont été décernées par la République malienne, l’Ordre national du Mali, et par la République française, Palmes académiques, Ordre du Mérite, Légion d’honneur ont été la juste reconnaissance publique de son parcours d’exception.

Marie-Hélène était solaire et nous, qui étions dans son orbite, elle nous éclairait de sa lumière, elle nous réchauffait de son affection. C’est pour cela qu’elle est présente parmi nous, vivante au plus profond de nos cœurs. Et tant que nous tous, ses enfants, ses parents, ses amis, nous serons fidèles à sa mémoire en agissant comme elle aurait voulu que nous agissions, la mort qui nous sépare aujourd’hui de sa présence corporelle n’atteindra pas l’essentiel, son souvenir.

Monique Cerisier ben Guiga, 14 novembre 2017

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