Le 23 juin 2016, les électeurs britanniques ont dit NON, à près de 52%, au maintien de leur pays dans l’Union Européenne: coup de tonnerre pour l’Europe qui doit s’interroger sur les raisons de ce rejet.
Les partisans du retrait, usant parfois de mensonges grossiers, ont attribué à l’Europe tous les problèmes du pays : déclassement social d’une partie de la population laissée pour compte d’une politique économique locale très libérale, peur des étrangers venus « prendre le travail des Britanniques », abandon des services publics… L’Europe est devenue le bouc émissaire, accusée de priver le pays de sa souveraineté, de lui faire perdre le contrôle de ses frontières et de son immigration, d’imposer des règles excessives dans tous les domaines, et de concentrer et étendre ses pouvoirs. Même les décisions de la Cour européenne de justice (invalidation du la déchéance de droit de vote pour les prisonniers par exemple) sont contestées.
L’analyse sociologique du vote est révélatrice : les électeurs plus âgés ont préféré voter « Leave » et les plus jeunes « Remain » ; les classes populaires ou les électeurs non diplômés, mais aussi une partie de l’establishment ont préféré la sortie alors que les classes supérieures ou plus diplômées le maintien. Les principaux syndicats britanniques ont pris position pour le maintien, soulignant l’amélioration de la protection des droits des travailleurs rendue possible grâce à l’UE, qui tente une sorte de nivellement par le haut. En effet, depuis 1973, le Royaume uni a bien profité de son appartenance à l’UE, avec une économie florissante tout en donnant au projet européen une patine très anglo-saxonne : libre-échange, élargissement à l’Europe de l’Est et centrale à partir de 1989, ouverture sur le monde.
Ce qui rassemble les partisans de l’UE n’est pas le niveau de revenus, ni même le statut social, mais plutôt une forte exposition au multiculturalisme. En effet, la question de l’immigration s’est retrouvée au cœur de la campagne et a libéré de manière irrationnelle la parole raciste, transformant inversement le vote pro UE en une profession de foi d’ouverture au monde et aux autres. Certains acceptent des frontières plus ouvertes, quand d’autres ressuscitent les mythes nationalistes. Certains adhèrent à la société diverse et complexe qui se profile, et d’autres cultivent la nostalgie de l’après-guerre
Les partisans du maintien de leur pays dans l’UE ont mis en avant le risque de chaos économique et financier à venir, sans insister assez sur tout ce que l’UE avait apporté à leur pays, sur les idées et les valeurs fondatrices, qui ont fait de l’Europe depuis 70 ans un continent de paix, de démocratie et globalement, de bien-être matériel. Bien sûr tout n’est pas satisfaisant en Europe. Ainsi, l’absence d’harmonisation sociale et fiscale a créé des inégalités et des désordres économiques qui minent la société et menacent même ici et là la démocratie et les valeurs mêmes de l’UE.
Dans d’autres pays de l’UE des tensions existent, certains envisageant un vote sur le maintien ou non, pour des raisons proches de celles du Royaume Uni. L’afflux des exilés venus de Syrie et des autres pays où leur vie est menacée par la guerre ou la misère cristallise les peurs et la tentation du repli sur soi, sur la nation fantasmée.
A une volonté commune de s’unir pour faire front pacifiquement, économiquement, et améliorer le sort de tous, s’est substituée peu à peu, et surtout dans les pays les plus tardivement entrés dans l’UE, une politique de guichet, où chacun veut bien renoncer partiellement à sa sacro-sainte souveraineté mais seulement dans la mesure et dans les domaines qu’il accepte.
Nous voulons une Europe qui mette en application son projet, une Europe qui enfin se réforme pour parvenir à plus de démocratie et de bien-être , de paix et de valeurs partagées, d’échanges et de solidarité, de sécurité intérieure et de liberté de voyager, de préservation de l’environnement, de protection pour les consommateurs, et une politique étrangère commune face aux désordres actuels du monde.
Marie-Pascale Avignon-Vernet
Retrouvez cet article dans le dernier numéro de notre magazine consacré à l’Europe.
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