Pendant de nombreuses années, les différentes écoles de pensée se sont affrontées sur les effets néfastes qu’une langue étrangère pourrait avoir sur la langue maternelle si elle est enseignée trop tôt. Aujourd’hui les chercheurs sont unanimes sur le fait que l’apprentissage d’une seconde langue, voire d’une troisième doit se faire le plus tôt possible. Ils s’accordent à dire qu’il y a une période critique au-delà de laquelle l’acquisition d’une autre langue change de nature. En effet, les recherches en neurosciences démontrent que la grande plasticité du cerveau dans les sept premières années de la vie permet une fixation des compétences linguistiques de façon quasi spontanée.
Gilbert Dalgalian, psycho-linguiste spécialisé dans les apprentissages précoces de langues, et auteur de plusieurs ouvrages dont Enfances plurilingue (Enfances plurilingues, Éditions L’Harmattan, 2000) explique que l’éducation bilingue précoce présente de nombreux avantages dans la formation de l’enfant. Elle permet, en outre, d’aborder plus facilement toute nouvelle langue, facilite le transfert des compétences acquises dans une langue vers l’autre, et offre une base de données linguistiques plus riche, plus vaste et plus flexible.
Autre linguiste et auteur qui milite depuis des années en faveur du plurilinguisme, Claude Hagège, (Auteur de L’Enfant aux deux langues, Éditions Odile Jacob, 1996) assure que les bilingues possèdent une malléabilité et une souplesse cognitives supérieures à celles des unilingues. Il affirme que la connaissance d’une deuxième langue permettrait ainsi de développer une intelligence verbale, une formation conceptuelle et un raisonnement beaucoup plus global.
Depuis de nombreuses années, L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger encourage un enseignement bi- plurilingue dans les établissements français à l’étranger. Dans sa dernière brochure intitulée « Pour une éducation plurilingue – La politique des langues de l’AEFE », elle décline trois orientations qui structurent conjointement le contrat éducatif en langues dans l’ensemble du réseau: la maîtrise du français, un apprentissage précoce de la langue du pays d’accueil et le développement d’une éducation plurilingue. Diverses expériences ont été menées dans plusieurs pays à travers le monde et les résultats sont très satisfaisants.
Il y a plusieurs manières d’aborder le plurilinguisme et chaque approche dépend du profil des élèves et des moyens dont disposent les établissements. La réussite de la mise en place d’un système bilingue ou bi-plurilingue repose sur quelques critères fondamentaux. Tout d’abord, bien voir la pertinence d’un tel dispositif dans l’établissement dans lequel l’on exerce. Ensuite, veiller à la constitution des équipes d’enseignants fonctionnant ensemble et bien réfléchir au programme offert à différents niveaux. Un enseignement bilingue n’est pertinent que si les deux langues sont associées, articulées et traitées ensemble. Par conséquent, le dispositif ne fonctionnera que si l’on ne considère pas la langue étrangère comme une autre matière, comme une autre discipline, distincte de la langue française, avec de nouveaux enseignants travaillant de manière isolée. Le dispositif doit rester souple et modulable, laissant ainsi la liberté aux enseignants de modifier le rythme des apprentissages en fonction des difficultés rencontrées. Certains établissements ont proposé une formule à parité horaire, puis ont allégé le dispositif avec un peu plus de français en fonction des résultats des élèves.
Une éducation plurilingue ne repose pas uniquement sur l’enseignement des langues, mais aussi en langues, d’où l’importance de bien définir les parties du programme qui vont être traitées en langue étrangère. Il ne s’agit pas de refaire en langue française ce qui a été enseigné en langue étrangère, mais il est utile de bien réfléchir à son enseignement de manière à ce que le transfert se fasse de manière naturelle.
Cette ingénierie pédagogique nécessite de nombreuses heures de préparation et une coordination d’une grande rigueur entre les différents acteurs car c’est bien d’une équipe dont on parle, et non de deux ou trois professeurs évoluant chacun dans sa classe.
Il faut bien comprendre que l’objectif d’un enseignement bilingue n’est pas uniquement de donner une plus grande maîtrise de la langue étrangère, mais aussi de construire dans cette langue des savoirs autres que linguistiques. La langue étrangère va donc être une langue de travail, une langue d’instruction, une langue d’enseignement et non seulement une langue de communication et de culture. Elle va être un moyen de construire de nouveaux savoirs et de conceptualiser le monde.
L’apprentissage précoce d’une langue étrangère est aujourd’hui incontournable. Le choix pédagogique de proposer un enseignement plurilingue est non seulement une chance pour les élèves, mais répond aux exigences du monde moderne et multipolaire en matière d’échanges et de communication. Il faut donc encourager ce type d’enseignement partout où cela est possible pour qu’un plus grand nombre d’enfants puissent en bénéficier.
« Le bilingue précoce, c’est un plurilingue en herbe. » Gilbert Dalgalian
Par Nawaz NUJURALLY, Conseiller pédagogique en anglais