Partir vivre dans un autre pays, c’est aller à la rencontre d’une autre culture, d’un Autre différent, différent dans sa manière d’être, de parler, de concevoir le temps qui passe, la vie, la spiritualité… Pour découvrir différentes facettes de la vie des Français de l’étranger dans toute sa richesse et sa diversité, nous lançons cette nouvelle rubrique « Ma vie ailleurs ».
Après un certain temps en Norvège, 2 choses frappent: les “hytte”, sorte de mini-chalet de montagne ou cabane de plage selon les saisons, et l’utilisation à toutes les sauces du mot “koselig”! Les deux ont tendance à se rassembler, une “hytte” étant toujours “koselig”!
La hytte est une seconde maison pour un Norvégien, un sanctuaire, la base de ses aventures, de ses expéditions, randonnées à pied ou sur skis, chasse d’animaux ou de baies!
La hytte est un phénomène norvégien unique en son genre. Souvent construit par son propriétaire lui-même, elle est le catalyseur d’une incroyable transformation. Le Norvégien, urbain, moderne, toujours au fait de la mode ou des outils technologiques du moment, devient le temps d’un week-end ou de vacances scolaires, un “bourru” ne faisant qu’un avec la nature, où seul compte le plaisir pris à profiter de l’environnement pendant la journée et de la chaleur de la cheminée le soir venu.
Une hytte est toujours koselig. C’est un adjectif difficile à définir.
C’est Pierre Lederlin, membre historique de FdM-ADFE en Norvège, qui définit le mieux ce terme:
Koselig est traduit par la plupart des dictionnaires par sympathique, charmant, agréable. Å kose est traduit par câliner, faire un câlin. En kosestund devient un moment agréable ou tendre. Et å kose seg est rendu par se faire plaisir, passer le temps agréablement. On peut penser que ces traductions passent à côté de la plaque.
Un Français entendant koselig doit immédiatement avoir à l’esprit l’image de la madeleine de Proust, c-à-d. un univers à la fois familial et chaud, petit-bourgeois et kitsch, ou un nid nostalgique, douillet et rétro-chic, ou, la chaleur du cocon familial. Å kose seg, c’est, comme Proust, tremper une madeleine dans sa tasse de thé.
Dans des expressions très courantes: en kos foran peisen/koselig med peis (chaleur de la cheminée et nostalgie), lørdagskos/kosematen (souvent un plat simple et traditionnel avec un bon vin et toujours des bougies allumées), kose seg med en god bok (pas seulement lire, et surtout pas un roman de Proust), en koselig hytte (chalet traditionnel, avec fenêtres à petits carreaux, ameublement un peu vieillot et bougies allumées sur la table), så koselig! (comme c’est chouette/sympa! )…
Pour un Français, ce que les Norvégiens qualifient de « koselig » est souvent (un peu) kitsch, ce qui ne rend pas le côté positif (pensé « chouette et chaud » par les N.), les F. n’ont pas le même rapport (l’obsession) que les N. ont pour les bougies, et il faut avoir vécu longtemps en Norvège avant d’employer spontanément koselig ou å kose seg. En d’autres termes, koselig est difficile à bien traduire.
Stéphane Mukkaden
Chroniques précédentes
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