Le chef de l’Etat peut-il encore remporter son pari d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin 2013 ? A priori, bien peu étaient prêts à miser sur cette hypothèse. Pourtant la réalité pourrait donner raison à François Hollande.
Plusieurs facteurs pourraient en effet inverser la tendance dans les derniers mois :
Sur le front de l’emploi, tout d’abord, la mise en place progressive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pourrait apporter un peu d’oxygène aux entreprises en difficulté. Mais surtout les contrats aidés créés par le gouvernement (contrats de génération, contrats d’avenirs, emplois francs…) ont été jusqu’ici peu utilisés. Ils devraient monter en charge de manière très sensible sur les derniers mois de 2013. Selon l’Insee, près de 110 000 contrats de ce type pourraient être signés durant le second trimestre de 2013, soit 85% du total prévu pour cette année. Ce serait un net changement de tendance par rapport aux années passées qui ont vu l’ensemble des emplois aidés baisser jusqu’en 2011, puis stagner en 2012, alors même que la crise s’aggravait.
Des facteurs démographiques plus structurels soufflent également dans le sens d’une inversion de la courbe du chômage. En effet, si la population active continue à croître, c’est à un rythme beaucoup moins soutenu que par le passé. Les premières cohortes du baby boom ont en effet franchi la barre des 65 ans en 2011 et ont donc quitté le marché du travail pour prendre leur retraite. Même si l’Hexagone conserve une dynamique démographique plus forte que la plupart de ses voisins, les jeunes qui entrent sur le marché du travail seront désormais moins nombreux que ceux qui le quittent. Et, même si les réformes successives des retraites cherchent (et parviennent) à maintenir plus longtemps les séniors sur le marché du travail, ce phénomène devrait durer et même s’accentuer. Résultat : La population active devrait gagner 137 000 actifs supplémentaires cette année, contre 224 000 en 2012 (soit 39% de moins).
Par ailleurs, le taux d’activité donne des signes de fléchissement. Entre la fin 2007 et la fin 2012, la participation des 15-64 ans au marché du travail a certes progressé de 1.6%, mais cette progression est tirée principalement par les salariés âgés : les 55-59 ans et les 60-64 ans ont vu leur taux d’activité bondir respectivement de 14% et 8% sur la même période sous l’effet des réformes des retraites. Au contraire, le taux d’activité des femmes de 25-54 ans progresse moins vite qu’au début des années 2000 et celui des hommes de la même classe d’âge recule légèrement (-0.4%). Mais ce sont surtout les jeunes qui ont le plus réduit leur participation au marché du travail : Les 15-24 ans ont vu leur taux d’activité reculé de 0.5% entre la fin 2007 et la fin 2012. Certains ont préféré prolonger leurs études plutôt que s’aventurer sur un marché du travail aussi inhospitalier pour les nouveaux venus. D’autres ont tout simplement renoncé à chercher un emploi. Le développement sensible du chômage de longue durée risque d’ailleurs de nourrir ce phénomène d’éviction en portant un nombre toujours croissant de personnes en fin de droits.
Au total, il n’est donc pas invraisemblable que le chef de l’Etat finisse par gagner son pari d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année. Si tel est le cas, il serait pourtant hasardeux d’y voir une grande victoire, car cette inversion ne traduirait pas pour autant une amélioration sensible de la situation de l’emploi.
Ceci est un condensé de l’article « Inverser la courbe du chômage? C’est jouable. » de Thierry Pech paru dans le n°327 (septembre 2013) d’Alternatives Economiques. Merci à notre partenaire.