Lors de la précédente chronique, nous avons souhaité expliquer par un exemple la construction d’un programme de soutien éducatif à l’international et avons choisi Haïti.
Le financement par l’Agence française de développement est conditionné à la signature d’une convention – strictement respectée et contrôlée par l’agence – qui précise que la moitié du total des ressources est du ressort de Solidarité Laïque.
L’essentiel de ce complément vient des dons de la générosité publique.
Qu’est qu’un don ?
Partons des préalables trop facilement entendus : le don est un acte « charitable » qui appellerait à un contre-don et ne serait que la moitié d’un échange. Le don serait un geste déséquilibré où celui qui reçoit est déprécié comme l’énonce ce proverbe africain « la main qui donne est toujours plus haute que celle qui reçoit » et où celui qui donne soulagerait sa conscience « troublée et culpabilisée ».
Ainsi don et éducation au développement et à la solidarité sont à priori contradictoires, voire antinomiques… comme peuvent l’être l’instantané et un processus de long terme.
Le rôle essentiel des enseignants
L’opération « un cahier, un crayon » qui consiste en une collecte de fournitures scolaires neuves pour les enfants d’un pays en particulier chaque année, témoigne de l’engouement des élèves : on note que plus de la moitié des dons de matériel scolaire vient du milieu scolaire. Il ne faudrait pas que cette générosité d’enfant à enfant, ce premier geste, certes symbolique voire affectif, mais à portée solidaire et citoyenne, soit étêté par un pessimisme autour du don.
Croire que l’activisme des jeunes se résume à de la simple « bonne volonté » reviendrait à caricaturer la jeune génération alors que certains dénoncent trop facilement leur manque de civisme.
Les éducateurs doivent souvent faire face à l’élan de générosité des jeunes, parfois source de gestes caritatifs non réfléchis qui peuvent aller à l’encontre des principes de l’éducation au développement. Mais les jeunes et les élèves ont aussi besoin d’engagement. Trop souvent, ils vivent la situation mondiale de façon passive, sont confrontés aux images des inégalités qui les renvoient à leur impuissance. Alors comment lier éducation et engagement, quand l’action comme ici est ponctuelle ?
Préparer l’engagement de long terme
La collecte peut effectivement être un premier pas dans l’engagement de ces jeunes, le don peut avoir un intérêt, une résonance pédagogique si ce geste prépare aux engagements ultérieurs, si celui ci est concrètement relayé en classe par une leçon, un débat, une mise en réflexion.
Solidarité Laïque propose d’aborder le don dans sa dimension affective, pour ensuite mieux le conscientiser, de passer par la phase de « sensibilisation » pour entrer dans « l’action éducative ». Tous les enfants en début d’année apprécient les achats de fournitures, l’écriture des premiers titres sur les cahiers neufs… N’est-il pas là un moyen de les faire réfléchir sur le sort d’autres écoliers qui aimeraient avoir cette chance ?
La réflexion sur le don et ses ambiguïtés peut aussi être un sujet de travail en classe car tout geste vers l’extérieur comme celui de donner doit passer par une phase de réflexion intérieure afin de dépasser la simple émotion.
Faire comprendre aux élèves que le don n’est pas du développement, qu’il ne doit être qu’une étape courte et bien intégrée dans un large processus de développement est aussi un moyen de leur donner des clés de réflexion pour plus tard et de leur permettre de se replacer dans un action globale où il est important de rendre l’autre acteur de son développement. Le « don » individuel s’insère alors anonymement dans une action collective d’aide au développement, comme l’élève apprend à se situer dans la communauté éducative, le futur citoyen dans la société.
Dans une prochaine chronique, nous reviendrons concrètement sur « la rentrée solidaire 2013 ».
Carole Coupez