Accueil 5 L'association 5 Témoignage : vivre son handicap à l’étranger ( Page )

Nous vous proposons de retrouver la retranscription intégrale de l’interview parue dans le n°171 de « Français du monde » de Monique, la maman de Hicham, né à Rabat et âgé de 20 ans. Il est depuis son très jeune âge infirme moteur cérébral, sans communication verbale.

La période du diagnostic a été très difficile. Les troubles de Hicham, banalisés au Maroc, ont été diagnostiqués en France. Nous étions tout chamboulés par la prise de conscience du handicap de notre enfant et  avions la désagréable impression de nous imposer en insistant pour avoir les rendez-vous  pendant notre  séjour, étant dans l’impossibilité  de faire de nombreux aller et retour entre la France et le Maroc.  

Enfin, l’équipe médicale pose un avis et en deux mots, on vous demande de faire face au  pire. Vous n’en n’êtes pas capable. On ne vous donne aucun espoir et vous rentrez au Maroc, seul, sans soutien, ayant l’impression que votre vie est détruite.

Par la suite, de nombreux bilans médicaux  sont nécessaires. Nous avons  toujours essayé de les faire coïncider avec nos vacances et nous prenions alors  en  charge nos voyages, mais parfois c’était impossible. La Caisse des Français de l’étranger commençait toujours par nous refuser le remboursement des voyages. J’ai dû saisir à chaque  la « commission contentieux » pour me faire rembourser des billets d’avion. Que d’énergie dépensée… !

Pour les allocations enfants handicapés,  là aussi les difficultés nous attendent. Les dossiers sont extrêmement lourds à constituer et, chaque année, on nous redemande les mêmes pièces et fait subir le même interrogatoire (nom du père, de la mère, date de naissance, etc…). Je ne remets pas en cause les contrôles (visites à domicile, bilan médicaux) mais toute cette lourdeur administrative  nous donne l’impression que la personne handicapée est considérée comme un cas social, non comme une personne ayant des droits et des devoirs.
Les personnes handicapées n’ont-elles pas droit à l’expatriation ? C’est la reconnaissance du statut de la personne qui est en jeu ! 

Nous nous sentons très frustrés de ne pas avoir accès au matériel spécifique dont Hicham aurait besoin et auquel il pourrait prétendre en France.

Enfin le problème de l’accessibilité dans les consulats. Le consulat a été récemment entièrement refait, encore plus récemment des portes de sécurité, des sas ont été posés, avec des matériels de détection très perfectionnées, mais pour l’accessibilité… les agents du Consulat sont obligés de porter mon fils adulte comme un bébé. C’est dégradant !

Cela aurait été pour nous un symbole fort  et un exemple que le consulat mette quelques sous pour faire des rampes d’accessibilité.

La scolarité : là aussi, tout est plus difficile que pour un enfant ordinaire. La famille doit faire énormément d’efforts car il n’y a aucun soutien spécialisé. L’intégration a été possible  pour Hicham dans l’enseignement français (AEFE) en maternelle, mais l’entrée en CP impossible. Et là encore tout est à faire, à créer, à inventer : taper aux portes, argumenter, convaincre, trouver des spécialistes, organiser des formations, trouver les cadres où tout cela est possible (création d’une association, création d’une classe spécialisée dans une école privée marocaine) trouver les rééducateurs adéquats, organiser les réunions entre tous les intervenants, se procurer ou faire faire le mobilier, le matériel adaptés…

Hicham vient d’avoir 20 ans. Nous devons constituer un dossier pour l’allocation adulte handicapé. J’ai eu mal au ventre pendant un mois avant le rendez-vous au consulat et au début de l’entretien, je m’entends rappeler l’obligation alimentaire : c’est mortifiant… 

 

Propos recueillis par Marion Berthoud

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