Par Pascal Canfin, Ministre délégué chargé du Développement.
En 4 mois qu’est ce qui a changé au ministère du Développement ? Le nom d’abord. Pour la première fois la France a un ministre chargé à temps plein de la politique du développement. Le ministère de la Coopération, avec tout ce qu’il pouvait véhiculer, n’existe plus. Cela correspond à l’évolution de notre relation avec l’Afrique. Bien sûr, l’Afrique est la priorité en matière de politique d’aide au développement, tout simplement parce que c’est là que se trouvent les situations de plus grande pauvreté. Mais, avec la mondialisation, nous n’y sommes plus qu’un acteur parmi d’autres, avec ou en concurrence avec les Chinois, les Turcs, les Indiens, les Brésiliens, les Allemands,… Il n’y a plus de relations obligées et c’est une bonne nouvelle.
Au-delà du nom, j’ai commencé à réorienter le contenu des politiques de développement pour mettre au cœur les enjeux de soutenabilité. Premier exemple : les 6 milliards d’euros que l’Agence française de développement consacrera au secteur de l’énergie dans les trois prochaines années auront deux priorités hiérarchisées comme telles : les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. L’AFD n’était pas inactive en la matière. Mais les priorités sont maintenant clairement définies. Avec le soutien des autres ministres concernés, j’ai donc placé la transition énergétique au cœur de notre politique de développement. Dans les prochains mois l’Agence française de développement adoptera son nouveau cadre d’intervention en matière agricole pour les trois prochaines années. Là encore mon objectif est de faire en sorte de promouvoir les formes d’agricultures durables, familiales, écologiquement intensives…les seules à même, je le crois, d’assurer la sécurité alimentaire de ces pays. Nous travaillons également depuis la rentrée sur le cadre de transparence financière de l’Agence. Ce sera l’occasion de renforcer la politique en matière de lutte contre la corruption et contre les paradis fiscaux.
Mais les politiques de développement ne s’arrêtent pas à l’aide publique au développement. Les flux financiers qui sortent des pays du Sud en passant notamment par les paradis fiscaux, et qui empêchent les Etats de collecter des impôts, représentent des montants 10 fois supérieurs à celui de l’Aide publique au développement. Je suis donc de très près la négociation européenne actuellement en cours pour rendre obligatoire le reporting pays par pays. Lorsque Aung San Suu Kyi est venue à Paris fin juin, elle a insisté sur la nécessité de la transparence des investissements. Ces propos ont été repris fortement par le Président de la République. Il est donc clair que la position de la France est très ambitieuse sur ce dossier. Par ailleurs, je prendrai des initiatives dans les prochains mois pour que la France soit en pointe dans le fait d’aider les pays du Sud à collecter les impôts qui leur permettent de financer leurs dépenses de santé, d’éducation… sans avoir besoin de l’aide publique au développement.
Dans un tout autre domaine, nous avons mis fin à la liaison entre la politique de développement et la politique migratoire. Le précédent gouvernement avait déplacé une partie du budget alloué au développement du Quai d’Orsay vers le ministère de l’intérieur pour pouvoir négocier le financement de projets comme contrepartie à une politique de contrôle des flux migratoires « à la source ». Ce lien a été supprimé puisque la totalité du budget concerné revient sous ma responsabilité dès 2013.
Une politique c’est aussi une méthode. Dès les premiers jours de mon mandat j’ai reçu les ONG pour rétablir un dialogue qui était abîmé. Et des organisations qui ne figuraient pas dans la liste des partenaires consultés sont désormais reçues comme la Confédération paysanne pour parler des projets agricoles que nous devrions soutenir au Sud. Par ailleurs, dès 2013 nous avons décidé d’engager le doublement de l’aide publique qui passe par les ONG. La France est en retard sur d’autres pays européens. Nous allons le rattraper.
Enfin, à la demande du Premier ministre, je vais piloter les Assises du développement et de la solidarité internationale. Cela fait 15 ans qu’une telle concertation avec la société civile n’a pas eu lieu. D’octobre 2012 au printemps 2013 nous allons débattre avec les ONG, les collectivités locales, les parlementaires, les élu-e-s, nos partenaires du Sud… de notre politique de développement. Il s’agira de déboucher notamment sur plus de transparence de notre aide, et sur un nettoyage de notre indicateur d’APD, le fameux 0,7 %, qui est une convention comptable largement discutable… et qui sera donc discutée.
Voilà en quelques lignes les premiers résultats de mon action. D’autres changements sont déjà lancés et je vous tiendrai informés régulièrement de leurs avancées pour que vous puissiez mesurer l’intérêt (ou non !) d’avoir un écologiste au Développement.