Hélène Conway-Mouret a abordé la question de l’audiovisuel extérieur français dans une tribune libre au petitjournal.com. Gouvernance déplorable, dérapage budgétaire et gestion contestable, mauvais thriller avec guerre des chefs, enquêtes, rapport de l’Inspection générale des finances, mission parlementaire… l’audiovisuel extérieur de la France sort terriblement affaibli de ces cinq dernières années.
Sans doute le Président de la République, en décidant à l’été 2007, d’engager une réforme de l’audiovisuel extérieur, avait-il à l’esprit la force de cet outil stratégique incontournable de politique étrangère. Encore eut-il fallu accompagner cette réforme d’une vision politique et d’une gouvernance dignes de ce nom. En avril 2008, est créée la société holding Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) avec sous sa tutelle France24, RFI et la part française de TV5Monde. Alors même que la totalité des acteurs de notre diplomatie d’influence dépend du ministère des Affaires étrangères, l’AEF est placée, elle, sous l’autorité principale du Ministère de la Culture, non par souci d’efficacité ou d’une quelconque cohérence, mais pour circonstances particulières : éviter tout soupçon de conflit d’intérêt entre un ministre des Affaires étrangères et son épouse.
Parallèlement, en dépit de tout devoir de neutralité et de perspectives de gouvernance équilibrée, est nommé à sa tête le patron de France24. Aucune vision stratégique n’est développée, aucun contrat d’objectif et de moyen n’est signé.
Fusion RFI/France24, le mauvais feuilleton.
La fusion a été conduite au mépris des salariés. Alors qu’une mission d’information parlementaire était en cours, toutes les demandes de moratoire formulées par les députés socialistes ont été rejetées. Il semblerait même que la mise en œuvre de la fusion ait été accélérée pour couper court aux réflexions des parlementaires et rendre le processus irréversible. A présent, il est indispensable d’œuvrer pour que, sur le modèle de la BBC, deux rédactions distinctes soient conservées, une TV et une radio qui correspondent à des métiers différents, sous une direction unique.
TV5 Monde, francophones et francophiles laissés pour compte.
Avec près de 50 millions de téléspectateurs hebdomadaires, la puissance de diffusion de TV5 Monde est considérable : elle est présente sur tous les continents. La vocation généraliste de la chaîne rend possible le sous-titrage en 13 langues ouvrant aux téléspectateurs non-francophones l’accès à notre spécificité française. Pourtant les atouts de TV5 Monde ont été totalement ignorés lors de la création de la société AEF. Aujourd’hui, force est de constater que ni l’AEF, ni TV5 monde ne bénéficient du rattachement de TV5 Monde à la holding. Malgré les difficultés extrêmes auxquelles elle se heurte, la chaine multilatérale poursuit cependant sa politique dynamique et développe de nouveaux partenariats. Elle vient ainsi de signer une convention avec l’ONU pour la diffusion mensuelle d’un magazine. Mais, tenue à l’écart de la gouvernance par la société AEF la chaine de la francophonie lancée il y a 27 ans par François Mitterrand est budgétairement exsangue. Les ‘synergies’ envisagées depuis le rapport Benamou visent son démantèlement au profit de France 24.
Cette politique désastreuse fragilise un vecteur performant et essentiel de diffusion de notre culture auprès des francophones et francophiles.
L’outil audiovisuel extérieur pourrait être performant, il n’est plus qu’un jouet cassé. Au-delà de l’échec, la réforme de l’audiovisuel extérieur est un véritable gâchis qu’il nous appartiendra de réparer pour réaffirmer notre spécificité sur la scène internationale.
Hélène Conway-Mouret, sénateur socialiste des Français établis hors de France
Paru sur lepetitjournal.com,