La Ligue des droits de l’Homme a organisé les 10 et 11 février 2012 un séminaire auquel Français du monde-adfe était invité. Les réflexions qui suivent sont tirées des interventions de Jean-Paul Martin, Pierre Kahn, Sophie Heine, Jean-Pierre Dubois, Jean-Michel Ducomte, Alessandro Ferrari, Joël Roman et Pierre Tartakowsky.
La laïcité est perçue historiquement comme un instrument de l’Etat, garant du Bien et de valeurs républicaines. L’Etat en assure la promotion par l’école où les citoyens sont formés. D’où la prééminence du couple Etat/école publique.
Ce laïcisme était censé protéger contre le prosélytisme des religions en écartant ce qui divise et en gardant ce qui rapproche[1]. Dans le même élan civilisateur, cet Etat laïque développait le colonialisme, fort d’une Europe hégémonique et dominatrice.
Le contexte économique et culturel a fait évoluer cette pratique de la laïcité. On peut considérer que la constitution de 1946, garantit contre le “laïcisme”, a placé les religions au même rang que les philosophies athée et agnostique et autres courants de pensée. Dès lors l’Etat peut financer des mouvements d’inspiration religieuse si une utilité sociale leur est reconnue.
Cette évolution a conduit progressivement à la loi Debré de 1959 et à l’abrogation de la loi Savary en 1984. Les libertés individuelles prennent alors le pas sur la laïcité, qui restreindrait l’exercice de la liberté de conscience. Le service public s’ouvre un peu plus au marché, avec l’aide de l’Etat.
Plus récemment la montée en puissance du libéralisme et du néo-libéralisme économique à réduit le citoyen à l’état d’individu-consommateur, instrument et victime du capitalisme financier. La pratique du “diviser pour mieux régner” pousse aux communautarismes, à l’affaiblissement et au démantèlement de l’Etat-nation[2] .
La perte de pouvoir de l’Etat est aussi celle du citoyen qui n’existe que comme partie prenante et agissante de la Cité. Le citoyen est un être abstrait mais bien réel, interchangeable[3], sans marqueurs culturels ou religieux. Cet égalitarisme ne nie pas les droits individuels et collectifs à (et de) pratiquer ou non une religion, se prévaloir d’une culture, agir sans porter atteinte aux libertés des autres.
Jean-Louis Sabatie-Pouliquen
[1] Cependant et paradoxalement, jusqu’en 1905 l’Etat s’était protégé de l’influence du Vatican par le gallicanisme.
[2] Yougoslavie, Irak…
[3] (tirage au sort des jurés, “quand un soldat meurt un autre se lève et prend sa place au combat“)