Accueil 5 L'association 5 A la recherche d’une « vie meilleure »

Les films qui rencontrent un fort succès public forment souvent les baromètres d’une société, les révélateurs des angoisses ou des espoirs  d’une époque.  Par leur dimension sociale, par l’identification aux personnages portés à l’écran, ils renseignent souvent parfaitement sur la psychologie collective et sur l’état de l’opinion publique.

A la fin des années 80, « le Grand Bleu » de Luc Besson et ses 9 millions de spectateurs fut analysé comme le film d’une génération un peu paradoxale, à la fois idéaliste et individualiste, tournée vers la nature mais en mal de performance, une génération qui n’allait pas tarder à découvrir la désillusion des années 90, années de crise, d’entrée dans le chômage de masse, de doute collectif. « Un monde sans pitié » d’Eric Rochant (1989), porté par l’excellent Hippolyte Girardot, fut présenté aussi comme un film symbole et représentatif des désillusions d’une génération de trentenaires ayant connu le militantisme et l’espoir de la victoire socialiste en 1981 avant de connaitre la déprime et les errances des années 90 rythmées par la propagation du sida, la montée de la précarité sociale et les différentes affaires de corruptions politiques.

Le « Fabuleux destin d’Amélie Poulain » (2001), et ses 9 millions de spectateurs, marqua l’entrée dans le XXIème siècle d’une génération que l’on allait bientôt présenter comme celle des « bobos », jeunes urbains embourgeoisés et rêveurs,  de gauche mais assez éloignés des réalités sociales, et que le 21 avril 2002 choqua profondément.

Que dire de « Bienvenue chez les Ch’tis » et de ses 19 millions d’entrées ? Objet filmique au succès un peu inattendu, on peut sans doute y voir à la fois une succession de clichés autour d’une France des régions coupée entre son Sud et son Nord, mais aussi une ode à une culture populaire généreuse et accueillante, ou un portrait des petits employés du service public postal dans une région en souffrance, comme si la France de ces années 2000 cherchait avec nostalgie un lien social plus étoffé et fraternel à travers le portrait de ces « Ch’tis »…

Le film « Une vie meilleure » de Cédric Khan, sorti tout récemment sur les écrans, n’a pas remporté un succès public vertigineux en nombre de spectateurs, mais il constitue le portrait affuté de la jeune génération précaire d’aujourd’hui qui, malgré la volonté de s’en sortir,  est rattrapée par un  déterminisme social sans grande rémission possible.

Les « invisibles » de la république, dont parlent aujourd’hui les sociologues et les journalistes, petits employés et auto-entrepreneurs modestes, trouvent peut-être dans le personnage incarné par Guillaume Canet un idéal type : cuisinier voulant monter « son affaire », puis surendetté et ne pouvant plus payer les traites de son restaurant, cet « invisible » de la république ne trouvera aucune aide véritable dans les services sociaux, se battra tout seul pour sa survie et celle de l’enfant qu’il élève, et ne devra qu’à son incroyable énergie vitale le fait de rester la tête hors de l’eau, flirtant toujours avec l’engloutissement dans la grande pauvreté et le désespoir. Le départ à l’étranger, à la fin du film, est vu comme une fuite, Guillaume Canet devenant un « Français de l’étranger »  un peu malgré lui, pour retrouver celle qu’il aime et qui a échoué dans une sinistre prison canadienne…

Ce  film est là pour nous rappeler que nous avons un devoir particulier envers toutes celles et ceux qui recherchent « une vie meilleure » et  qui, malgré tout leurs efforts, sont rattrapés par les difficultés inhérentes à une époque de crise économique profonde, au risque de se perdre et de se détruire.

A travers « les emplois d’avenir », « le contrat de génération » proposé par le candidat Hollande, à travers aussi le discours républicain d’un Jean-Luc Mélenchon en lutte contre les « privilèges » et pour une France plus égalitaire, nous avons sûrement là des outils, un discours à faire porter par les forces de gauche pour aider cette génération embourbée dans la précarité à retrouver l’espoir.

La politique a un grand devoir envers  cette jeunesse en souffrance : celui de lui rendre, effectivement, la vie meilleure.

Boris Faure
Vice-président de Français du monde-adfe

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