Le 10 décembre 1948, les 58 Etats membres qui composaient l’Assemblée générale des Nations unies adoptaient la Déclaration universelle des droits de l’Homme dans les locaux du Palais de Chaillot à Paris. Le texte de la Déclaration universelle constitue «l’idéal commun à atteindre par tous les Etats» afin que ceux-ci s’efforcent d’assurer le respect des droits et libertés proclamés et leur application progressive et effective aux populations placées sous leur juridiction.
Le texte se compose d’un préambule, suivi de 30 articles énonçant les droits et libertés fondamentales auxquels tous les êtres humains peuvent prétendre sans discrimination. Pour les Français vivant à l’étranger, cette Déclaration prend une importance toute particulière au regard de leur situation personnelle : alors que ces derniers vivent dans des systèmes juridiques très diversifiés, les droits proclamés dans la Déclaration leur sont applicables quelle que soit la législation du pays de résidence. La Déclaration joue également le rôle de texte de « référence » eu égard aux contradictions qui peuvent apparaître entre deux systèmes juridiques différents.
La rédaction de la Déclaration avait été confiée à un Comité composé de 8 membres sélectionnés en fonction de critères de répartition géographique. Parmi eux, le français René Cassin, qui écrivit le premier texte de la Déclaration ; le canadien John Humphrey, directeur de la division des droits de l’Homme des Nations unies ou encore le chinois Peng Chung Chang, vice-président du Comité. Mais c’est la force de persuasion de Eleanor Roosevelt, veuve du Président américain et présidente du Comité de rédaction, qui joua un rôle déterminant dans le vote de la Déclaration. Les débats relatifs à la forme que devait revêtir le document, comme ceux ayant trait à son contenu, témoignent de la difficulté de la tâche à une époque où le monde restait profondément divisé entre Bloc de l’Est et Bloc de l’Ouest. Le texte final, composé en un peu moins de deux ans, fut adopté par 48 Etats ; aucun Etat n’a voté contre et huit se sont abstenus. Pour la première fois dans l’Histoire de l’Humanité, une communauté de Nations élaborait et adoptait une Déclaration des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Mais quelle est donc la portée juridique de ce texte fondateur ? La Déclaration, en dépit de son importance historique et politique, s’analyse juridiquement en une Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies ne créant pas d’obligations à l’égard des Etats. La présentation que fit Eleanor Roosevelt de ce texte devant l’Assemblée générale des Nations unies le confirme : « Ce n’est pas un traité, ce n’est pas un accord international. Il n’a pas et ne vise pas à avoir force de loi. C’est une déclaration de principes sur les droits et libertés fondamentales de l’Homme destinée à être approuvée par vote formel des membres de l’Assemblée générale ». Pour cette raison, la Déclaration ne peut être invoquée à l’appui d’un recours devant les juridictions internes.
Néanmoins, l’impact juridique de la Déclaration n’est pas aussi faible qu’il y paraît. Les principes énoncés par la Déclaration universelle des droits de l’Homme se sont progressivement enracinés dans le droit international et dans le droit interne de certains. Depuis 1948, le texte de la Déclaration a été – et continue d’être – la plus importante et la plus influente des toutes les déclarations de l’ONU. Elle s’analyse comme une source d’inspiration ayant imprimé une direction particulière et fourni les principes philosophiques et juridiques de base à de nombreuses conventions internationales. La Déclaration a ainsi inspiré de nombreux traités internationaux légalement contraignants relatifs aux droits de l’Homme : il en est ainsi de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (New York, 7 mars 1966) qui s’inspire directement des principes énoncés dans la Déclaration. Par ailleurs, aujourd’hui, tous les Etats Membres de l’Organisation des nations unies ont ratifié au moins un des 9 traités internationaux relatifs aux droits de l’Homme, et 80% d’entre eux en ont ratifié 4 ou plus.
En dépit de ces avancées certaines, célébrer chaque année l’existence de ce texte fondateur demeure insuffisant car les défis auxquels la Déclaration reste confrontée sont nombreux : cette chronique apportera un éclairage contemporain ainsi qu’un bilan critique de la mise en œuvre de chacune des dispositions de la Déclaration.
Claire Malwé,
Université de Rennes 1.