Notre Présidente, Monique Cerisier ben Guiga est allée à Athènes, le 4 mai 2011, pour assister aux obsèques de Paul Collaros.
Né en 1920 à Izmir, Paul Collaros naturalisé français en raison des services émérites qu’il a rendus à la France, a été un actif président de notre association à Athènes et délégué au CSFE (l’AFE aujourd’hui) de 1985 à 1992. Voici l’hommage qu’elle lui a rendu.
Paul, j’ai voulu participer à l’hommage que nous te rendons aujourd’hui, au nom de l’association Français du Monde ADFE dont tu as été un militant émérite, au nom de tes anciens collègues à l’Assemblée des Français de l’étranger et à titre personnel. Je souhaitais être auprès de ta famille et de tes amis.
Tu avais été, fort heureusement, honoré comme tu le méritais de ton vivant, et je garde un souvenir ému de ton élévation au grade d’officier de la Légion d’Honneur.
Mais au moment de la séparation finale, je tiens à exprimer, publiquement l’estime et l’amitié que nous avons eues pour toi.
Paul, brillant mathématicien et homme de culture, tu étais la modestie et la courtoisie incarnées.
Toujours gai et attentif à autrui, tu apportais ta sagesse au groupe des délégués à l’Assemblée des Français de l’étranger.
Sans faire d’éclat, avec habileté, tu défendais les intérêts de tes mandants.
Souriant et modeste, tu étais pourtant, à toi tout seul, le témoin vivant de l’histoire riche, mouvementée et souvent douloureuse des Chrétiens de l’Empire Ottoman au XXème siècle.
Né d’un père turc et d’une mère serbe, catholiques romains, tu as eu une enfance à la fois turque et francophone. On parlait français en famille et tu as effectué toute ta scolarité dans notre langue. Oui, tu as été un Français de l’étranger bien avant ta naturalisation.
Les aléas de la maladie, puis de la seconde guerre mondiale t’on empêché de poursuivre tes études supérieures en France. Tu es resté auprès de tes parents, venus prendre leur retraite en Grèce.
Autorisé exceptionnellement à passer les épreuves en Français tu es entré à l’école polytechnique d’Athènes. Tu aimais beaucoup raconter cet épisode de ta vie. J’ai souvent pensé, en t’écoutant, que les temps avaient bien changé et qu’aujourd’hui, partout en Europe, la xénophobie ambiante interdirait cette tolérance linguistique envers un candidat étranger. Et tu es devenu Grec.
Tu n’as jamais parlé des souffrances des guerres qui ont endeuillé la Grèce et ta jeunesse. Dans ton récit ne restait que la chance d’avoir trouvé un « petit boulot » des cours de mathématiques en Français à IFA.
C’est pourtant ce « petit boulot » de jeune ingénieur désargenté auquel la Grèce ruinée n’offrait pas de perspective professionnelle qui est à l’origine de ta grande œuvre : la création du lycée français, devenu, il y a 30 ans le lycée franco-hellénique.
Paul, par ton engagement au service de l’enseignement français, par ton engagement civique d’élu, toi qui n’es devenu français qu’à l’âge adulte tu es l’exemple de ce qu’est un citoyen de la République, quelqu’un qui, selon les mots de Renan participe à ce « referendum de tous les jours » qu’est l’appartenance à la Nation française.
Nous n’oublierons pas ton exemple et nous te remercions de nous l’avoir donné.