Certaines études avaient montré que jusqu’à deux ans les enfants ne pouvaient pas distinguer les deux systèmes linguistiques qu’ils entendaient et que c’était seulement vers trois ans que l’enfant arrivait à séparer les deux systèmes. Mais récemment de nouvelles études montreraient que dès 18 mois l’enfant sait distinguer les deux systèmes linguistiques qu’il entend.
Malgré cela l’enfant va mélanger ces deux langues et souvent parce qu’il manque de vocabulaire dans l’une ou l’autre des deux langues. Ou il va mélanger parce que tout le monde autour de lui parle les deux langues. Ou parce que tout le monde autour de lui mélange les deux langues. C’est donc très utile de le mettre souvent en contact avec des personnes monolingues, surtout s’il s’agit de la langue minoritaire.
Chaque famille doit trouver “le système” qui lui convient. Si chaque parent parle une langue différente on peut opter pour le système “un parent, une langue”. Un autre système consiste pour l’enfant à parler une langue à la maison et entendre et parler une autre langue à l’extérieur de la maison, avec les grand-parents, à la crèche, à la maternelle ou dans les magasins par exemple. Toutes ces stratégies peuvent fonctionner pour une famille mais être inconcevable pour une autre. Chaque famille doit trouver son propre équilibre en évitant de faire du bilinguisme un postulat rigide qui entraverait les relations parents-enfant. Ce qui est important, c’est d’avoir une certaine discipline linguistique qui va aider l’enfant à séparer, à différencier les deux langues et à se rendre compte qu’il possède deux langues différentes et à moins les mélanger.
Il faut essayer de trouver un équilibre entre les deux langues, à la maison, à l’école, dans la vie quotidienne. Les deux langues doivent être importantes dans tous les aspects de la vie de l’enfant. Tous les enfants ont besoin de communiquer et ont la motivation de le faire quand les expériences linguistiques sont positives. Dans une famille monolingue, (les deux parents parlent la même langue qui n’est pas la langue du pays) une attention particulière doit être accordée au langage de l’enfant durant les premières années, en veillant à ce que les occasions d’interagir avec la langue du pays soient nombreuses, variées et plaisantes. L’enfant acquiert naturellement tout système linguistique dont la maîtrise lui est utile pour établir des relations affectives avec les personnes de son entourage. On sait que dans le bilinguisme consécutif les deux systèmes linguistiques sont interdépendants, c’est-à-dire que la seconde langue peut se développer seulement si la première langue continue à progresser.
Malgré tous les efforts de la famille, ces enfants qui apprennent deux langues dès la naissance (le bilinguisme précoce) vont faire des fautes dans les deux langues. Ces fautes peuvent être des mélanges de vocabulaire, des calques (on prend l’ordre grammatical d’une phrase dans une langue et on le transpose dans l’autre), des erreurs d’enfants monolingues car l’enfant bilingue passe par les mêmes étapes de développement que les monolingues mais dans deux langues en même temps, l’application des règles d’une langue à l’autre, et des erreurs dues à un manque de vocabulaire dans une des deux langues. Le nombre de mots peut être limité dans chaque langue mais le nombre total des mots dans les deux langues sera similaire à un enfant monolingue du même âge. Tout cela est normal et ce n’est pas un signe de déficience ou de difficulté. Garder un journal détaillé des progrès dans les deux langues peut être un exercice fascinant pour les parents.
Qu’est-ce que les parents doivent faire, face à ces erreurs? Il faut savoir qu’avant sept ans cela ne sert pas à grand chose de corriger la faute ou d’expliquer les règles de syntaxe ou de grammaire. Au contraire il faut donner le bon exemple sans reprendre l’enfant. Répondre correctement, parler correctement autour de l’enfant, ne pas mélanger, fournir le vocabulaire dont l’enfant a besoin. Il faut indiquer gentiment le langage correct pour ne pas créer d’inhibition. Un enfant qui invente un mot: “walker” en anglais pour “marcher” fait preuve d’une maîtrise linguistique et non d’une déficience.
Il faut savoir également que d’un point de vue linguistique l’ordre dans lequel chaque enfant acquiert des compétences est le même. Sans certaines bases, l’enfant ne peut pas avancer même avec toute la bonne volonté de correction de ses parents. Par exemple un enfant aurait assimilé les verbes irréguliers en anglais et dirait “I went” mais plus tard il maîtrise la règle pour former le prétérit en anglais des verbes réguliers et maintenant il dit “I goed”, c’est normal. Il a appris comment on forme le prétérit des verbes réguliers en anglais. C’est un progrès. C’est seulement plus tard qu’il va comprendre que certains verbes sont irréguliers et de nouveau il dira “I went”.
Kersti Colombant