Accueil 5 L'association 5 20 février | Journée mondiale de la justice sociale

Par Mehdi Ben Lahcen, vice-président de Français du monde-adfe

« Les maux économiques et sociaux dont notre monde est affligé ne sont que trop réels – tout comme la nécessité de faire en sorte que la mondialisation profite à tous les peuples, en ancrant la nouvelle économie mondiale dans une société mondiale qui repose sur des valeurs globales communes de solidarité, de justice sociale et de respect des droits de l’homme », tels sont les mots de Koffi Annan à la tribune de l’ONU lors de l’Assemblée générale du 24 septembre 2001, plaçant la thématique de la justice sociale et de la lutte contre les inégalités induites au cœur des problématiques de la mondialisation.

En cette Journée mondiale de la justice sociale, il nous semble utile de rappeler que l’appréhension de la justice sociale relève du « politique ». C’est la nation qui détermine les situations qui lui paraissent justes ou non. Ce débat est d’autant plus nécessaire qu’il fonde une forme de « contrat social » de la nation.

Il convient d’abord de distinguer inégalité et différence : les individus peuvent être dans des situations différentes, sans qu’il n’y ait pour autant une inégalité de traitement et sans que l’on puisse crier à l’injustice.

Dans une démocratie, l’égalité de droits permet aux individus d’exprimer leurs « libertés » de penser et d’action, entraînant de fait la mise en place de différences. Cependant il peut y avoir des inégalités plus ou moins légitimes, en particulier lorsque la différence de situation ne relève pas du libre choix de l’individu. Elle est donc imposée par la société à travers l’entrave à certains principes, comme l’égalité des chances garantie en démocratie, mais très difficilement applicable.

Si l’État parvient à instaurer une égalité des chances formelle, elle est plus difficile à mettre en place en réalité, notamment à l’école où les déterminants de « classe » pèsent encore trop sur la réussite des élèves. Le non-respect de l’égalité des chances peut constituer une entrave à la liberté, puisqu’en l’absence de choix, l’individu ne dispose pas des mêmes opportunités. Où et comment doit se situer l’intervention de l’État pour corriger ces inégalités et ainsi rétablir un minimum de justice sociale ?  Quels sont ses périmètres d’action ?

À Français du monde-adfe, nous pensons que cette intervention est utile en amont pour tenter de donner à chacun des opportunités équivalentes, quelque soit ses conditions de départ. À l’échelle des Français de l’étranger c’est ce qui nous incite, par exemple, à défendre des enveloppes budgétaires pour les bourses scolaires en adéquation avec les besoins, à soutenir le développement des groupes FLAM ou à condamner les coupes budgétaires opérées sur l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger. Sans ces dispositifs, pouvons-nous garantir le libre choix éducatif de nos compatriotes ?

Pas de faux angélisme de notre part, nous avons conscience que le débat sur la justice sociale se fait désormais pour l’État sous une certaine contrainte financière, qui progressivement abouti à un effacement du terme égalité au profit du terme équité. C’est notamment ce sens de l’équité qui nous a conduit à défendre le passage de la prise en charge (gratuité des frais de scolarité au lycée) à un système de bourses scolaires réformé et plus inclusif. Comme le philosophe John Rawls, nous considérons qu’une inégalité est justifiable et acceptable à partir du moment où elle permet l’amélioration de la situation des plus faibles. Était-il donc justifiable de prendre en charge la scolarité de la partie de la population qui avait les moyens de l’autofinancer ?

De même, l’association s’attache à défendre les solutions permettant de rendre accessible à tous les Français de l’Étranger qui le souhaitent, le droit à la protection sociale via la Caisse des Français de l’Étranger. Car nous pensons également que l’intervention de l’État est utile en aval, pour tenter de corriger et de rendre acceptable des inégalités de départ que nous ne sommes pas arrivés à atténuer.

Enfin, concernant les politiques fiscales, il est important de rappeler qu’elles ne sont pas uniquement une source de financement. En effet, le but de l’impôt sur le revenu n’est pas seulement de faire rentrer des recettes fiscales, il est surtout de lisser les inégalités économiques. Ainsi, si en 2018 en France, le revenu mensuel moyen des 10% les plus riches était 22.2 fois plus élevé que le revenu mensuel moyen des 10% les plus pauvres, avant les prélèvements obligatoires et redistribution, il était « seulement » 5.6 fois plus élevé que le revenu mensuel moyen des 10% les plus pauvres, après prélèvements obligatoires et redistribution. De même, la finalité de l’impôt sur les droits de successions n’est pas économique. Dans un pays qui a aboli les privilèges le 4 août 1789, il pourrait être incongru de laisser s’installer de nouveaux privilèges hérités, à travers la libre transmission d’un capital économique. Comment pourrions-nous dès lors garantir un fonctionnement méritocratique optimal, nécessaire au bon fonctionnement d’une démocratie et d’une société que nous voulons plus « juste » ?

 

 

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