Accueil 5 L'association 5 Vivre son handicap à l’étranger : le témoignage d’une femme française installée au Maroc ( Page )

Audrey, 31 ans, tétraplégique, s’est installée à Rabat il y a un an et demi pour suivre son époux qui a eu un poste au Maroc. Entretien.

Audrey, quelles ont été les variations  de prises en charge auxquelles vous avez dû faire face en venant vous installer à l’étranger ?

Je ne suis pas bénéficiaire de l’Allocation adulte handicapé (AAH) donc je n’ai pas eu de changement concernant mes revenus de subsistance. Par contre depuis 2005, les départements français versent – via les Maisons départementales des personnes handicapées – la Prestation de compensation du handicap (PCH) qui aide la personne handicapée à financer ses besoins en aides humaines, en aménagement du logement, de la voiture… Plus le bénéficiaire est dépendant, plus le budget d’aides humaines est important, sachant que la PCH peut couvrir jusqu’à un besoin de personnel 24h sur 24. Or, seule la PCH dans son versant « aide humaine » peut continuer d’être versée à un Français résidant hors du territoire français pour plus de trois mois dans les seuls cas de 3 exceptions limitatives (partir à l’étranger pour parfaire sa formation universitaire, ou formation professionnelle ou apprendre une langue étrangère)*. Dans toutes les autres situations, la PCH est suspendue.

Dans mon cas, j’ai pu obtenir de l’employeur de mon mari le remboursement des salaires que je verse à mes auxiliaires de vie marocaines ; en considérant que cela relève d’une dépense supplémentaire à laquelle doit faire face le foyer de leur employé du fait de l’expatriation elle-même (comme les frais de scolarité des enfants par exemple).

Par ailleurs, au niveau du recrutement des personnes nécessaires pour m’assister, j’ai découvert qu’il n’y a pas au Maroc d’infirmière libérale et d’entreprise ou association d’aide à domicile. Ces filières de prise en charge du handicap à domicile n’existent sans doute pas du fait de l’absence de financement ou cofinancement public, ces frais étant à la charge de la personne handicapée et/ou sa famille. J’ai donc dû recruter directement des aides-soignantes qui travaillent déjà à temps plein dans une clinique privée et qui viennent chez moi sur leurs jours de repos. C’est une pratique courante et il suffit de s’adresser à la surveillante de la clinique. Je n’ai pas pu les déclarer à la CNSS car la loi votée il y a plus de vingt ans et permettant à un particulier de déclarer du personnel de maison n’a jamais connu de décret d’application… J’ai tout de même rédigé des contrats que mes auxiliaires de vie ont signés : cela n’a pas vraiment de valeur légale, mais pourrait tout de même me servir en cas de problème.

Enfin, au niveau du matériel médical, ce qui est compréhensible : je ne peux pas trouver tout ce dont j’ai besoin au Maroc (fauteuil roulant, coussin anti-escarre, produits de pharmacie, etc.) et je dois donc l’emporter avec moi lors de mes retours de France. Il faut en effet éviter de se faire acheminer des produits médicaux par la Poste car les Douanes vous obligent à payer environ 50 % du prix de ce que vous avez déjà payé en France.

 

Avec le recul que vous avez maintenant, que conseilleriez-vous à quelqu’un dans votre situation pour préparer son installation à l’étranger ?

Il me semble impossible de recruter les aides humaines dont l’on a besoin avant d’être sur place. C’est pourquoi (et du fait de mon niveau important de dépendance) je me suis faite accompagnée par une auxiliaire de vie française pour les trois premiers mois de mon installation à Rabat.

Ce qui me semble important est de vérifier que l’on a une sécurité sociale et/ou mutuelle qui couvriront le mieux possible les frais au Maroc, mais aussi en France en cas d‘éventuels séjours médicaux à faire en métropole et pour les matériels / médicaments que l’on ne peut acheter qu’en France.

Pour tous les frais qui resteraient à la charge de la personne du fait d’une moindre couverture qu’en France (sécurité sociale, pas de PCH, pas d’aide publique à l’intégration professionnelle type AGEFIPH…), il faut essayer avant de quitter la France de  s’assurer une autre source de financement auprès notamment de son propre employeur ou de celui de son conjoint quand c’est possible. Ces conseils sont surtout utiles en cas de besoins importants et de faibles moyens, car le coût de la vie étant bien moindre qu’en France, une personne ayant certains moyens pourrait aussi financer ces frais « non remboursés » d’elle-même. C’est une réflexion faisant partie de la décision de s’installer au Maroc.

Propos recueillis par Marion Berthoud.

* l’article R245-1 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que la PCH n’est plus versée aux personnes handicapées effectuant un séjour de plus de 3 mois à l’étranger « sauf pour un séjour de plus longue durée lorsqu’il est justifié que le séjour est nécessaire pour lui permettre soit de poursuivre ses études, soit d’apprendre une langue étrangère, soit de parfaire sa formation professionnelle. » (alinéa 2).

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