Accueil 5 L'association 5 Heurs et malheurs du « couple mixte »

L’amour ne connait pas les frontières. C’est heureux et encourageant pour l’humanité. On voit ainsi de plus en plus de familles multicolores, multiculturelles, et c’est magnifique. Cependant, les différences culturelles partagées sont des richesses qui créent parfois quelques incompréhensions… Elles sont  enrichissantes les jours d’entente parfaite, exaspérantes les jours de conflit.

Certains ne rencontrent aucun problème, parce qu’il n’y en a pas, qu’ils ne les voient pas, ou qu’ils savent les résoudre. Naturellement, quand tout est bonheur la gestion est aisée et, puisque « les gens heureux n’ont pas d’histoire », nous n’allons pas en parler ici.

D’autres, trop nombreux hélas, voient ou créent des problèmes, et souffrent. Il est utile de le dire pour reconnaître les obstacles potentiels. Alors chacun, car il n’y a aucune recette miracle, inventera les moyens de les aplanir au lieu de buter dessus.

Ceux qui ont rêvé leur couple peuvent, confrontés au réel quotidien redescendre sur terre un peu brusquement. Même les plus pragmatiques peuvent rencontrer la part d’eux-mêmes, idéaliste ou pessimiste, qui va déstabiliser leur organisation. Voici  les principales difficultés rencontrées en consultation :

Communiquer en plusieurs langues ouvre l’esprit, mais peut aussi créer de la confusion lorsque ces langues et leurs structures accompagnent des visions du monde totalement différentes. Même deux francophones ne parlent pas toujours la même langue : il suffit pour s’en convaincre de consulter le dictionnaire de la francophonie ! Les gestes et les symboles ne sont pas non plus universels, ils renvoient à un consensus culturel. Les micro- ou maxi-incompréhensions peuvent alors susciter bien des rires ou… des tensions.

Les attrayantes différences culinaires et vestimentaires sont toutefois plus génératrices de conflits qu’il y paraît : ne pas pouvoir se réfugier dans l’enfance par le goût, dans une pseudo « normalité » par la tenue, prive de ces points de régression indispensables à l’équilibre des expatriés.

En fait, « l’exil ce n’est pas d’être loin de son propre territoire, mais de ne pas pouvoir vivre à sa juste note[i] ». Etre exilé de son pays, de sa culture, est provoquant, mais être exilé sous son toit, dans son lit, peut être terriblement déstabilisant. L’effort d’adaptation du couple mixte est permanent : impossible de se reposer sur les habitudes et l’implicite avant une longue cohabitation.

Il y a parfois une famille, un groupe social, qui refuse d’y croire, qui aurait préféré une situation plus « habituelle », qui éprouve un franc racisme ou qui lutte contre ce penchant et se comporte avec ambiguïté. Ce groupe-là n’a pas choisi, n’a pas l’amour pour liant. Il demande, voire exige, que rien ne le dérange dans ses habitudes, ses rites, ses croyances.

Quand tout va bien malgré ou grâce aux différences entre les époux, le couple fait barrage aux pénibles tentatives de destruction. Si le couple connaît déjà des difficultés, l’hostilité ajoutée peut soutenir des conflits, voire des ruptures. Et, lorsque la séparation devient indispensable, les conflits entre législations diverses ne la rendront ni facile ni moins douloureuse !

Si le couple mixte vit dans un troisième pays, il peut être uni, solidaire face au décalage, étant deux étrangers en ce lieu, devant cette culture.

Si le couple mixte vit dans le pays de l’un des deux, l’autochtone devra s’efforcer de comprendre les difficultés d’intégration de l’autre parfois perdu dans ce nouveau monde, sans repères facilitateurs ni liens familiers anciens. Il n’est pas toujours facile d’entendre que nos cultures sont incompréhensibles pour autrui, et nous pouvons réagissons comme le co-pilote qui, sachant où on va, oublie de guider le chauffeur… Reste un danger plus sournois : la sur-adaptation de l’expatrié. Il est rarement neutre d’aller chercher un conjoint loin de chez soi, cela peut être une façon consciente ou inconsciente de fuir les contraintes de sa tradition, de son clan. L’autre « plus royaliste que le roi » semble alors un reproche, un piège… Qui plus est, avec le temps, le naturel reviendra, amenant la frustration de s’être renié.

Même les façons d’exprimer la tendresse, la solidarité ou le mécontentement peuvent être peu compréhensibles. Non au moment de la rencontre, en période de séduction, mais ensuite, quand chacun reprend ses habitudes, et marche sur ses « rails ».

Les croyants risquent de buter sur les « incroyables croyances » de l’autre qui estime en retour que sa foi est « évidente » tandis que celle du partenaire est « étrange ». La tolérance, la curiosité, l’indifférence même, ne résolvent pas tout, surtout lorsqu’il s’agit d’éduquer des enfants.

Car l’éducation des enfants est un des challenges majeurs de tout couple. C’est là que se cristallisent les phénomènes de tradition, d’habitudes, de vision du monde, de souvenirs d’enfance. Plus ces éléments sont différents, plus il faudra s’adapter : joyeusement la plupart du temps, durement parfois.

Si vous connaissez une ou plusieurs des difficultés ci-dessus, sachez que ce n’est pas la fin du couple, juste une étape à négocier. S’il y a de l’incompréhension voire de la souffrance, n’hésitez pas à vous faire aider ensemble, car celui qui souffre manifeste souvent les symptômes du couple.  Gérez cela au plus vite. Garderiez-vous une bronchite non soignée ? Alors pourquoi ignorer une douleur morale ?

Si vous êtes déjà heureux, nous nous réjouissons tous avec vous !

Martine Quentric-Séguy,
Psychothérapeute au Centre Médico-social de Yaoundé, Cameroun


[i] Dicton ou auteur qui m’est inconnu

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